Uvira : l’inhumation du Colonel Patrick Gisore interrompue par les Wazalendo
Bukavu, 25 août 2025 – L’inhumation du Colonel Patrick Gisore, issu de la communauté Banyamulenge, et de son épouse Yvonne Nyamahoro, morts dans le crash d’un avion militaire à Kisangani le 16 août, a tourné à la violence ce lundi à Uvira, dans l’est de la RDC. Des éléments des Wazalendo, des milices locales soutenues par les autorités congolaises, ont interrompu la cérémonie, accusant notamment la communauté Banyamulenge de collusion avec le mouvement rebelle M23, qui contrôle depuis le début de l’année les chefs-lieux des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu ainsi que plusieurs zones stratégiques riches en minerais. L’armée loyaliste, les FARDC, a tardé à intervenir.
Selon plusieurs témoins, la cérémonie a été brutalement stoppée par des éléments armés se réclamant des Wazalendo. Ces derniers ont intercepté le cortège funèbre à Kilomoni, tandis que d’autres membres de la communauté Banyamulenge ont été arrêtés à Mulongwe ou enfermés de force dans l’église de la 37ᵉ Communauté des Assemblées de Dieu du Congo (CADC).
Violence et pillages en pleine église
Des sources locales rapportent que certains assaillants ont ouvert le feu à balles réelles sur les personnes rassemblées à l’extérieur de l’église. Dans la confusion, des actes de pillage ont été commis : véhicules, téléphones portables, matelas, argent et matériel de l’église ont été emportés.
« Ils ont pillé la voiture d’Alexis Rukatura et cassé celle de Sage… », rapporte un témoin sous couvert d’anonymat.
Des motifs de rejet controversés
Les assaillants ont justifié leur opposition à l’inhumation du Colonel Gisore par divers arguments : certains l’accusaient d’être « Rwandais », d’autres refusaient qu’il bénéficie d’honneurs militaires, rappelant que les FARDC n’avaient pas accordé les mêmes à leur propre général, Rukumeta. D’autres encore accusaient les Banyamulenge présents d’être affiliés au mouvement rebelle M23, qu’ils disent soutenu depuis le Burundi.
Appels à l’aide ignorés
Durant plus de deux heures, les Banyamulenge enfermés dans l’église ont tenté de joindre les autorités locales et nationales ainsi que les FARDC, sans succès. Ce n’est qu’après un long moment que le commandant des FARDC à Uvira est intervenu pour libérer les personnes séquestrées.
L’absence de réaction rapide de l’armée congolaise et des forces burundaises présentes dans la région a choqué de nombreux habitants, qui s’interrogent sur la neutralité et l’efficacité des forces de sécurité face à la montée des tensions communautaires.
Un contexte sécuritaire fragile
Le Colonel Patrick Gisore, officier Banyamulenge des FARDC, servait dans la région de Punia, au Maniema. Son épouse est décédée avec lui lors du crash de l’avion militaire à Kisangani.
Cet événement tragique, loin d’unir dans le deuil, a ravivé les tensions identitaires dans une région déjà marquée par une histoire complexe de conflits communautaires, d’allégeances militaires et de suspicion persistante autour de la nationalité des Banyamulenge, souvent perçus à tort comme des étrangers.
Dans ce climat fragile, le respect des droits fondamentaux et l’impartialité des forces de sécurité apparaissent plus cruciaux que jamais pour préserver la paix et la cohésion nationale.
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Photo : le Colonel Patrick Gisore et son épouse, dont l’inhumation a été interrompue par des miliciens Wazalendo le 25 août 2025. DR
