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Burundi : la BRB mise sur le yuan chinois, la société civile redoute des effets pervers

SOS Médias Burundi

Bujumbura, 6 août 2025 — La Banque de la République du Burundi (BRB) a autorisé, dans une phase pilote, l’usage du yuan chinois (RMB) pour régler les importations en provenance de la Chine. Vingt entreprises burundaises opérant dans les secteurs de la production, de l’industrie et de la transformation sont concernées par cette initiative, qui pourrait marquer un tournant dans les échanges commerciaux du pays.

Dans une correspondance datée du 31 juillet, la BRB précise que cette mesure vise à diversifier les moyens de paiement internationaux, sans pour autant remplacer le dollar américain ou d’autres devises fortes. Concrètement, les banques commerciales agiront pour le compte de leurs clients en soumettant les demandes de paiement à la banque centrale, accompagnées d’une fiche de renseignement obligatoire.

Des inquiétudes sur les risques économiques

Si la BRB présente cette initiative comme un outil de facilitation du commerce, elle ne fait pas l’unanimité. Faustin Ndikumana, directeur national de Parole et Actions pour le Réveil des Consciences et l’Évolution des Mentalités (PARCEM), appelle à la prudence :

« Le gouvernement devrait d’abord commander des études économiques sérieuses avant d’engager le pays dans un tel changement », a-t-il déclaré à SOS Médias Burundi.

Selon lui, le Burundi risque de se retrouver dans une situation de dépendance accrue vis-à-vis de la Chine. Il met en garde contre le risque que cette mesure se transforme, à terme, en obligation déguisée pour les opérateurs économiques d’importer exclusivement depuis la Chine.

Ndikumana soulève également plusieurs questions restées sans réponse :

  • Le Burundi exporte-t-il suffisamment vers la Chine pour générer des réserves en yuan ?
  • La diaspora burundaise peut-elle envoyer des transferts dans cette monnaie ?
  • Le pays devra-t-il compter sur des prêts ou sur l’aide chinoise pour alimenter ce mécanisme ?

Il cite, à titre d’exemple, l’intérêt exprimé récemment par une entreprise chinoise pour l’achat de café burundais en yuan, ce qui, selon lui, pourrait réduire les recettes en devises fortes et fragiliser davantage la balance des paiements.

Des experts indépendants mettent en garde

Des économistes indépendants interrogés par SOS Médias Burundi pointent plusieurs risques liés à cette stratégie. Ils évoquent notamment :

  • la faible convertibilité du yuan sur les marchés internationaux,
  • l’absence d’un taux de change clair et maîtrisé,
  • la possible exclusion de certains commerçants qui ne disposent pas encore de l’accompagnement nécessaire pour manipuler cette devise.

Ils rappellent que l’introduction du yuan ne saurait, à elle seule, résoudre la crise économique que traverse la petite nation de l’Afrique de l’Est.

« Sans mesures d’accompagnement, cette décision risque d’aggraver les inégalités entre opérateurs et d’accroître la dépendance vis-à-vis d’un seul partenaire commercial », concluent-ils.

La BRB n’a, pour l’heure, pas annoncé de calendrier sur une éventuelle extension de ce dispositif à d’autres secteurs économiques.

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Photo : Les bâtiments abritant la Banque de la République du Burundi (BRB), qui a récemment introduit l’utilisation du yuan chinois dans les échanges commerciaux. © SOS Médias Burundi