Bujumbura : arrestation d’un second agent de l’ambassade congolaise et transferts express à Kinshasa sur fond de tensions régionales

SOS Médias Burundi
Bujumbura, 30 juillet 2025- Dans la nuit du lundi 28 juillet, à 4h du matin, Félix Mweza, agent de l’ambassade de la République Démocratique du Congo (RDC) à Bujumbura, a été arrêté à son domicile par les services de renseignement burundais. Cette interpellation s’est déroulée dans la plus grande discrétion, à Bujumbura, la capitale économique de la petite nation de l’Afrique de l’Est où sont installées toutes les représentations diplomatiques du pays. Elle survient quelques heures seulement après l’arrestation, le 27 juillet, de Laurent Ruboneka Musabwa, autre employé de l’ambassade congolaise et figure de la communauté Banyamulenge.
Les deux agents arrêtés ont été rapidement transférés à Kinshasa à bord d’un vol spécial affrété par le gouvernement congolais. Ils sont désormais détenus et interrogés par l’ANR (Agence Nationale de Renseignements) et la DEMIAP (Détection Militaire des Activités Antipatriotiques).
Selon des sources sécuritaires, ils sont soupçonnés de collaboration secrète avec l’Alliance Fleuve Congo (AFC) et le M23.
Le M23, ancienne rébellion tutsi qui a repris les armes fin 2021 en reprochant aux autorités congolaises de ne pas avoir respecté leurs engagements de réinsertion, est affilié à l’AFC, un mouvement politico-militaire qui contrôle depuis le début de l’année l’administration des chefs-lieux des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, ainsi que plusieurs zones stratégiques riches en minerais dans l’est congolais.
Félix Mweza, membre de la communauté Bashi, au cœur des enquêtes
Félix Mweza appartient à la communauté Bashi, tout comme Bertrand Bisimwa, président de la branche politique du M23, et Marcellin Cishambo, ancien gouverneur du Sud-Kivu récemment rallié à l’AFC/M23, également au centre des investigations.
Un proche de Mweza, sous couvert d’anonymat, dénonce une arrestation illégale :
« Nous avons appris son arrestation le lundi soir via certains collègues de l’ambassade. C’est incompréhensible. Comment des agents diplomatiques peuvent-ils être arrêtés à l’étranger sans cadre légal clair ? C’est une atteinte grave à leur sécurité et à leur dignité. »
Le cas de Laurent Ruboneka Musabwa
Laurent Ruboneka Musabwa, secrétaire de la Mutualité Shikama des Banyamulenge et président de l’association des survivants du massacre de Gatumba — où plus de 160 membres de cette communauté ont été tués en août 2004 dans un camp géré par le HCR, non loin de la frontière congolaise — a été transféré vers Kinshasa moins de 24 heures après son arrestation, dans le même silence officiel.
Silence des autorités et zones d’ombre
Aucune communication officielle n’a été émise ni par les autorités burundaises ni par celles congolaises. Ce silence alimente les spéculations sur la légalité de la procédure et les enjeux géopolitiques qui sous-tendent ces transferts express.
Un contexte régional explosif
Cette affaire intervient dans un climat régional particulièrement tendu :
Le Burundi, allié militaire de Kinshasa, a déployé 10 000 soldats en RDC pour combattre aux côtés des FARDC, l’armée loyaliste congolaise, et des milices Wazalendo, contre l’AFC/M23.
Gitega et Kinshasa accusent Kigali de soutenir ces mouvements rebelles, tandis que le Rwanda rejette ces accusations et dénonce l’appui présumé de Kinshasa et du Burundi aux FDLR, groupe armé rwandais accusé de génocide contre les Tutsis en 1994.
Dans ce climat d’alliances fragiles et de méfiance, les arrestations de Félix Mweza et Laurent Ruboneka Musabwa apparaissent comme un nouvel épisode d’une guerre de renseignement dépassant le cadre diplomatique.
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Photo : Félix Mweza, agent de l’ambassade de la RDC au Burundi, arrêté par les services de renseignement burundais puis discrètement remis aux autorités congolaises. Il est soupçonné d’avoir collaboré avec le mouvement rebelle M23 et l’Alliance Fleuve Congo © DR