Éducation en péril : les enseignants burundais fuient un système à bout de souffle

SOS Médias Burundi
Gitega, 29 juillet 2025- Entre bas salaires, conditions de vie précaires et absence de perspectives, de plus en plus d’enseignants du primaire et du secondaire quittent la petite nation de l’Afrique de l’Est. Le Syndicat national des enseignants du Burundi (SNEB) tire la sonnette d’alarme.
Une vague de départs inquiétante
Le secteur éducatif burundais traverse une crise silencieuse mais profonde. Selon Ferdinand Nzeyimana, représentant légal du SNEB, un nombre croissant d’enseignants quittent le pays à la recherche de meilleures conditions de vie. Ce phénomène touche aussi bien les écoles primaires que secondaires, fragilisant davantage un système déjà éprouvé.
Appel au patriotisme… mais aussi à la justice sociale
« Les enseignants devraient servir leur patrie », admet M. Nzeyimana, tout en soulignant la légitimité de leurs revendications. Il appelle le gouvernement, principal employeur, à assumer ses responsabilités en améliorant les conditions de travail et les salaires.
Coût de la vie en hausse, salaires stagnants
La flambée des prix des produits de première nécessité, les loyers exorbitants et la pénurie persistante de carburant compliquent fortement le quotidien des enseignants. Depuis bientôt 56 mois, cette rareté du carburant affecte même leur capacité à rejoindre leurs établissements. Le SNEB plaide pour une revalorisation salariale indexée sur le coût réel de la vie.
Témoignages : « On enseigne pour survivre, pas pour vivre »
Dans les rues de Bujumbura, notamment dans la ville commerciale où sont concentrées les agences des Nations unies et l’administration centrale, et où la vie est très chère au Burundi, certains enseignants confient leur désarroi.
“Je gagne moins de 400 000 FBu par mois alors que mon loyer en coûte 250 000. Je n’ai plus de quoi nourrir ma famille dignement”, explique un professeur de sciences rencontré dans le quartier Kamenge, au nord de la ville.
En province, la situation est encore plus critique.
“Je dois marcher 12 kilomètres chaque jour pour atteindre mon école parce que je ne peux plus payer le transport. Enseigner est devenu une souffrance”, témoigne une institutrice d’une zone rurale dans le nord-ouest du Burundi.
Une profession dévalorisée et démoralisée
Au-delà des difficultés financières, les enseignants se sentent de moins en moins reconnus dans leur rôle social. Le manque de matériel pédagogique, l’absence de soutien institutionnel et des conditions de travail difficiles, notamment en milieu rural, accentuent la démotivation. Pour beaucoup, enseigner n’est plus une vocation mais un fardeau.
Logement : 1 200 enseignants partis sans rembourser leurs crédits
Le Fonds pour le logement des enseignants du Burundi (FLE) tire également la sonnette d’alarme. L’un de ses administrateurs a révélé que près de 1 200 enseignants ayant contracté des crédits pour construire leurs maisons ont quitté le pays sans rembourser. Cette situation menace la pérennité du fonds et témoigne d’une perte de confiance grandissante dans les institutions de soutien.
L’exode vers les pays voisins
Beaucoup d’enseignants burundais trouvent refuge dans les pays voisins, notamment au Rwanda, au Kenya ou encore en Tanzanie, où les conditions salariales sont meilleures et les opportunités d’emploi plus nombreuses.
“Au Rwanda, on me paie trois fois ce que je gagnais au Burundi et je suis respecté pour mon travail”, confie un ancien professeur de lycée de Gitega aujourd’hui employé à Kigali, la capitale du Rwanda.
Selon des sources syndicales, cette fuite des cerveaux pourrait à terme provoquer un effondrement de la qualité de l’enseignement dans les écoles publiques burundaises, déjà en sous-effectif chronique.
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Photo : une enseignante fait cours dans une salle de classe surchargée, où plusieurs élèves sont contraints de s’asseoir à même le sol, octobre 2024 © SOS Médias Burundi