Burundi : chaos local après le nouveau découpage administratif

SOS Médias Burundi
Butanyerera, 22 juillet 2025- Bureaux désertés, services paralysés, populations livrées à elles-mêmes : la transition vers les cinq nouvelles provinces plonge l’administration locale dans une confusion inquiétante.
Depuis l’entrée en vigueur du nouveau découpage territorial, officialisé lors des élections législatives et communales du 5 juin dernier, un climat d’incertitude et de désorganisation s’est installé dans de nombreuses anciennes entités administratives du Burundi. La réforme a réduit le nombre de provinces de 18 à 5, abaissé celui des communes de 119 à 42, et porté le total des zones de 339 à 447. Quant aux collines, elles sont passées de 2 910 à 3 037.
Résultat : des responsables locaux désœuvrés, des services publics à l’arrêt et des citoyens désemparés.
Des administrateurs fantômes
Dans plusieurs communes, les anciens administrateurs ont déserté leurs postes. Faute de moyens logistiques, notamment de véhicules, certains se disent humiliés, relégués à un rôle flou et sans utilité.
« C’est une politique de tâtonnements. Il n’y a aucune organisation. Payer des gens qui ne travaillent plus, c’est une perte énorme », s’indigne un commerçant de Muyinga, dans le nord-est du Burundi.
Une administration en panne
Dans l’attente de nouveaux administrateurs communaux, des secrétaires exécutifs ont été chargés d’assurer l’essentiel : réception des doléances, coordination locale, gestion courante. Mais sur le terrain, cette continuité n’est souvent qu’un leurre.
Dans plusieurs localités, les bureaux restent fermés ou quasi vides. Les habitants, eux, tournent en rond.
« Nous venons chaque jour, mais personne ne nous reçoit. Les anciens conseillers accueillent une poignée de gens, puis repartent. On dirait que tout est à l’abandon », déplore un citoyen de la colline Runyonza, en zone Kirundo rurale, au nord du pays.
Soupçons de dérives et d’abus
À Kirundo, des voix s’élèvent contre certains anciens cadres soupçonnés de profiter du vide administratif.
« L’ex-chef de cabinet du gouverneur, Éric Nduwayezu, circule en voiture, prétend gérer l’ordre public, mais il perçoit des commissions sur la vente du carburant avec la complicité de policiers et de pompistes », affirme un habitant sous anonymat.
Appel à une réaction rapide du gouvernement
Face à ce climat de désordre, des citoyens demandent une reprise en main ferme de la situation. Pour eux, l’État doit assurer la continuité des services, évaluer les comportements des anciens responsables et sanctionner les abus.
« On dirait que les anciens dirigeants sont en deuil. Ils se sont enfermés chez eux et ne mettent plus les pieds dans leurs anciens bureaux », lâche un habitant désabusé.
Une réforme qui inquiète plus qu’elle ne rassure
Lancée pour améliorer la gouvernance et rapprocher l’administration des citoyens, cette réforme territoriale semble pour l’instant semer plus de chaos que d’efficacité. L’urgence est désormais d’assurer la transition, restaurer l’ordre administratif et garantir que chaque citoyen soit écouté et servi.
La situation dans la nouvelle province de Butanyerera (nord) n’est pas isolée. Elle concerne tout le territoire burundais.
_______________________________________________
Photo : des habitants venus chercher des services dans un bureau de l’État, dans une zone rurale de la province de Bujumbura (ouest). Le nouveau découpage administratif a plongé plusieurs régions du pays dans une situation chaotique, compliquant l’accès aux services publics © SOS Médias Burundi