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Buhumuza : vague d’insécurité et meurtres non élucidés, la population entre peur et colère

SOS Médias Burundi

Buhumuza, 22 juillet 2025 — Une série d’événements violents et inexpliqués ravive la peur au sein des habitants de la province de Buhumuza, dans l’est du Burundi. Entre double meurtre mystérieux à Ruyigi et recrudescence des crimes transfrontaliers à Gisagara, les populations locales s’insurgent contre l’impunité persistante et dénoncent l’inaction des autorités.

Le samedi 12 juillet, deux corps sans vie ont été découverts sur la colline Bunogera, en zone Rusengo, commune Ruyigi. Les victimes, des hommes âgés d’environ 30 à 35 ans, présentaient des signes évidents de torture : bras et jambes ligotés, profondes blessures à la poitrine, et absence de chaussures. Des témoins affirment que les corps ont été jetés de part et d’autre de la route reliant Rusengo à Gisuru, dans un endroit appelé « Bunyuro ».

Le chef de colline, Éric Ntacuti, évoque la possibilité que les deux hommes aient été tués ailleurs avant d’être abandonnés sur les lieux. Sans identité connue, ils ont été enterrés à la hâte, sans cercueil ni procédure formelle. Une scène qualifiée d’inhumaine par plusieurs témoins.

Le chef de zone, Patrice Irakoze, avance une autre hypothèse : les victimes auraient été attaquées par des bandits en provenance de Tanzanie. Mais cette version officielle est rejetée par de nombreux habitants qui y voient un crime planifié, perpétré dans l’ombre, sans que la justice ne s’en mêle. « Nous vivons dans une peur constante. On tue, on enterre, et on oublie », confie un habitant sous couvert d’anonymat.

À Gisagara, la criminalité franchit un cap

Quelques jours plus tard, dans la commune voisine de Gisagara, la gouverneure Denise Ndaruhekere convoque une réunion urgente au chef-lieu de Camazi, le 17 juillet. Elle y dénonce une « montée alarmante » de la criminalité : fraudes, vols, meurtres… tout y passe. Elle cite notamment l’assassinat récent d’une quinquagénaire à Nyabisindu, dans la commune voisine de Cankuzo, ainsi que des cas fréquents de fraude à la frontière burundo-tanzanienne.

Des représentants de l’armée, de la police et de l’administration aux côtés d’habitants de Gisagara, lors d’une réunion de sécurité présidée par la gouverneure Denise Ndaruhekere, le 17 juillet 2025. La rencontre visait à répondre à la montée de l’insécurité dans cette commune frontalière ©SOS Médias Burundi

La gouverneure promet des « sanctions exemplaires » contre les malfaiteurs, en particulier certains jeunes désœuvrés accusés de vols nocturnes après avoir passé la journée sur les ligalas (nom donné localement aux rassemblements de jeunes désœuvrés ou drogués qui traînent dans les rues ou les carrefours).

Mais la population de Camazi ne mâche pas ses mots. Plusieurs intervenants accusent certains administratifs locaux de complicité avec les réseaux criminels. « Nous avons peur de dénoncer. Ceux qui doivent nous protéger sont parfois ceux qui nous trahissent », lance un participant, sous des acclamations.

Les jeunes, quant à eux, pointent du doigt des membres des comités mixtes de sécurité, souvent issus des ligues du parti au pouvoir. Selon eux, certains profiteraient de leur statut pour extorquer les passants, en particulier les étrangers à la région.

Un appel pressant à la justice et à l’exemplarité

Face à ces accusations, la population exhorte les autorités à prêcher par l’exemple. « Il est temps que les administrateurs montrent l’exemple et protègent réellement la population », réclame un habitant. L’appel à des actions concrètes, au-delà des discours, résonne dans toute la commune.

Dans une province où les meurtres se banalisent et où la confiance entre citoyens et autorités s’effrite, les habitants de Buhumuza réclament des enquêtes sérieuses, la fin de l’impunité, et des réponses à la hauteur des menaces qu’ils affrontent au quotidien.

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Photo : la gouverneure Denise Ndaruhekere préside une réunion de sécurité à Gisagara, le 17 juillet 2025. Depuis sa nomination en tant que gouverneure de la province de Buhumuza, validée par le Sénat burundais le 3 juillet 2025, Mme Ndaruhekere est chargée de renforcer la sécurité dans les zones frontalières réorganisées par la réforme administrative © SOS Médias Burundi