Sud-Kivu : un convoi humanitaire ravive les tensions entre autorités provinciales et milices Wazalendo
SOS Médias Burundi
Bukavu, 21 juillet 2025 – Un convoi humanitaire composé de 55 camions de vivres et de médicaments, à destination des déplacés d’Uvira, est au cœur d’un bras de fer entre le gouverneur du Sud-Kivu, Jean Jacques Purusi, et une faction des milices Wazalendo dirigée par le général Makanaki Kasimbira John. Ce dernier soupçonne les autorités de dissimuler, sous couvert d’aide humanitaire, une tentative d’infiltration du M23. Une accusation grave dans un contexte sécuritaire explosif, alors même que les besoins humanitaires s’intensifient dans l’est de la RDC.
Le corridor reliant Bukavu à Uvira, censé faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire, est devenu un point de crispation entre les autorités provinciales et les milices Wazalendo, des groupes armés locaux soutenus par Kinshasa. À l’origine du conflit : la décision des autorités d’envoyer 55 camions d’aide en direction d’Uvira, où sont installés de nombreux déplacés fuyant les récents affrontements.
Le gouverneur Jean Jacques Purusi a affirmé, le week-end dernier, qu’un consensus avait été trouvé entre toutes les parties prenantes, notamment les FARDC (Forces armées de la RDC), la police, certaines factions des Wazalendo, les autorités locales, ainsi que les troupes burundaises opérant dans la zone dans le cadre d’un partenariat bilatéral.
« Ces camions transportent des médicaments et de la nourriture pour aider notre population, et tout sera déchargé en présence de la population, des services de sécurité et des Wazalendo », a-t-il déclaré.
Une opposition farouche du général Makanaki
Cette version est toutefois vivement contestée par le général Makanaki, figure influente des milices Wazalendo dans le Sud-Kivu. Dans un enregistrement audio de 17 minutes diffusé le 19 juillet, il a exprimé un rejet catégorique du convoi humanitaire.
« Nous ne voulons aucun camion venant de Bukavu à Uvira. Moi, Makanaki, seigneur de guerre, je dis que tout camion venant de Bukavu, les Wazalendo doivent le brûler. Il ne passera pas au pont de Luvingi. Ce sont ces camions qui amènent le M23 », a-t-il martelé.
Ses déclarations ravivent une méfiance déjà bien ancrée dans la région, où la confusion entre aide humanitaire et logistique militaire est monnaie courante.
Une défiance persistante envers les autorités
Ce n’est pas la première fois que les milices Wazalendo s’opposent aux décisions des autorités provinciales. Régulièrement, elles ont désarmé des militaires congolais, accusés de fuir devant l’avancée des rebelles du M23. Selon plusieurs sources locales, Bukavu, d’où est parti le convoi, serait d’ailleurs sous influence du M23 depuis le début de l’année.
La présence de la FDNB (Force de défense nationale du Burundi), déployée à Uvira dans le cadre d’un accord bilatéral, est elle aussi contestée. Les milices reprochent aux troupes burundaises leur inaction supposée face au M23. Ces tensions ont conduit récemment à une mission conjointe sur le terrain du ministre congolais de la Défense et de hauts gradés burundais.
Un besoin humanitaire urgent entravé par les rivalités
Face à ces tensions, les habitants d’Uvira sont partagés. Certains plaident pour que l’aide transite par Kalemie, sous supervision directe de Kinshasa, tandis que d’autres réclament une solution urgente pour soulager les souffrances des déplacés.
« Ce sont des médicaments pour les hôpitaux et de la nourriture pour les déplacés ! Ils ne transportent pas le M23, et en plus, ils vont passer par plusieurs checkpoints », a souligné un responsable local.
Depuis l’intensification des combats à Goma, Bukavu, Nyangezi et Kamanyola, la ville d’Uvira accueille un grand nombre de personnes déplacées. Les conditions y deviennent de plus en plus précaires, rendant l’aide humanitaire vitale.
Mais sans consensus entre les autorités et les milices, le refus de laisser passer le convoi, en particulier au niveau stratégique du pont de Luvingi, risque d’aggraver la situation. Si aucune solution n’est trouvée rapidement, cette crise humanitaire pourrait se transformer en une crise politique et sécuritaire majeure.
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Photo : Un checkpoint de l’armée congolaise dans le Sud-Kivu, près de la frontière burundaise, une zone marquée par la présence de milices Wazalendo soutenues par les autorités de Kinshasa. © SOS Médias Burundi
