Muhanga : pénurie aiguë d’enseignants à l’approche de la rentrée scolaire
SOS Médias Burundi
À moins de deux mois de la rentrée scolaire prévue en septembre, les autorités éducatives de la commune de Muhanga, dans la province de Butanyerera (nord du Burundi), tirent la sonnette d’alarme. Cette jeune commune, en pleine structuration administrative, fait face à un grave déficit d’enseignants, au point de compromettre une reprise normale des cours.
Dix enseignants ont quitté leur poste au cours de l’année scolaire écoulée, aggravant une situation déjà critique dans une région peu attractive pour le personnel éducatif.
Une crise locale révélatrice d’un malaise national
À Muhanga, la perte d’au moins dix enseignants des écoles fondamentales entre septembre 2024 et juin 2025 a laissé un vide que personne n’a comblé. Certains ont été mutés, d’autres ont démissionné, et quelques-uns ont simplement abandonné leur poste, sans qu’aucun remplacement n’ait été effectué.
« Cette commune, encore en phase d’organisation administrative, souffre d’un manque criant d’infrastructures et de soutien aux enseignants. Cela les pousse à chercher des postes ailleurs, souvent dans les centres urbains », déplore un cadre éducatif local.
La situation reflète un malaise plus large qui touche de nombreuses localités rurales à travers le pays.
Une rentrée à hauts risques
Pour espérer assurer un encadrement acceptable à la prochaine rentrée, la commune estime avoir besoin d’au moins 50 enseignants supplémentaires. Une estimation qui ne prend même pas en compte les départs à la retraite attendus d’ici fin 2025, ce qui risque d’aggraver davantage le déficit.
Or, aucun effort concret n’a été engagé pour pourvoir les postes vacants à ce jour.
Le recours aux vacataires : une solution fragile
Faute de mieux, la direction communale envisage de recruter des vacataires ou des bénévoles. Une mesure d’urgence jugée peu fiable et insoutenable.
Mais même cette option s’avère difficile à mettre en œuvre. Dans plusieurs établissements du pays, notamment à la clôture de l’année scolaire écoulée, nombre de vacataires n’ont pas perçu les maigres contributions qui leur avaient été promises par les écoles ou les comités de parents. Conséquence : plusieurs d’entre eux refusent aujourd’hui de reprendre du service.
« Cela peut dépanner temporairement, mais ces personnes ne sont pas toujours qualifiées, et leur motivation s’effondre en l’absence de rémunération. Cela nuit directement à la qualité de l’enseignement », alerte une autorité communale.
Une réalité partagée dans les zones rurales
La situation à Muhanga est loin d’être un cas isolé. Dans plusieurs autres communes reculées du Burundi, les établissements scolaires peinent à attirer ou à retenir leurs enseignants. L’éloignement géographique, les conditions de vie difficiles et l’absence de soutien logistique ou administratif découragent nombre de professionnels de l’éducation.
Des conditions de travail peu attractives
Parmi les facteurs qui alimentent cette hémorragie silencieuse :
- Classes surchargées et manque de matériel pédagogique ;
- Salaires faibles et versés en retard ;
- Isolement des écoles rurales ;
- Manque de logements décents pour les enseignants ;
- Faible accompagnement administratif.
Le ministère reste attendu au tournant
Lors de sa dernière déclaration publique, le ministre de l’Éducation nationale, Pr François Havyarimana, a promis le recrutement de nouveaux enseignants du fondamental et du secondaire à partir de la rentrée 2025-2026. Une annonce accueillie avec espoir, mais jugée insuffisante à court terme par les responsables locaux, qui réclament des affectations urgentes dans les zones les plus démunies comme Muhanga.
Un appel à des mesures structurelles
Les autorités éducatives de la commune de Muhanga exhortent le gouvernement à :
- Accélérer le processus de recrutement et d’affectation d’enseignants qualifiés ;
- Mettre en place des incitations spécifiques pour attirer des professionnels dans les zones rurales ;
- Améliorer les conditions de vie et de travail afin de stabiliser le personnel éducatif.
« Sans décisions courageuses et rapides, nous allons vers une rentrée catastrophique dans plusieurs provinces. Et ce sont les enfants les plus vulnérables qui en feront les frais », alerte un responsable éducatif de Butanyerera.
La rentrée est prévue dans environ deux mois. Si rien ne change, une nouvelle génération d’élèves risque de démarrer l’année sans enseignants en face d’eux.
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Photo : Une enseignante dans une salle de classe surpeuplée, en province de Bujumbura, à l’ouest du Burundi. Le manque d’enseignants, couplé à la croissance démographique, aggrave les conditions d’apprentissage dans plusieurs établissements du pays. © SOS Médias Burundi
