Derniers articles

Burundi : le gouvernement maintient ses troupes en RDC malgré les critiques internes et les tensions régionales

SOS Médias Burundi

Le Burundi maintient sa présence militaire dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDC), invoquant un cadre légal bilatéral, malgré le retrait d’autres contingents étrangers et les divisions que cette implication suscite dans l’opinion publique.

Mardi, lors de la présentation des réalisations du quatrième trimestre de l’exercice budgétaire 2024–2025, le ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants, Alain Tribert Mutabazi, a défendu le déploiement des troupes burundaises en RDC. Selon lui, cette présence s’inscrit dans un accord de coopération sécuritaire conclu entre Bujumbura et Kinshasa. Ce partenariat vise, d’après le ministre, à « préserver la paix, sécuriser les frontières communes et lutter contre les groupes armés ».

« Nos militaires resteront en RDC aussi longtemps que la loi le permet. L’essentiel, c’est qu’ils accomplissent leur mission. Les populations reconnaissent leur contribution à la stabilité et au renforcement des relations entre nos deux pays », a-t-il affirmé.

Environ 10.000 militaires burundais sont actuellement déployés dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, aux côtés des FARDC (Forces armées de la RDC) et des milices locales dites Wazalendo, soutenues par Kinshasa. Des sources locales indiquent également la présence de membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir au Burundi, les Imbonerakure, sur le terrain.

Cependant, avec la prise de Goma et d’autres localités stratégiques du Nord-Kivu par le M23, tous les militaires burundais ont été redéployés vers le Sud-Kivu, selon des sources concordantes.

Une condamnation massive dans les rangs burundais

Le 6 février 2025, 272 militaires burundais ont été condamnés par la cour d’appel de l’auditorat militaire pour avoir refusé de participer aux combats contre le M23. Plusieurs d’entre eux ont écopé de la prison à perpétuité. Ils sont actuellement détenus à la prison centrale de Murembwe, dans la province de Rumonge.

Selon leurs proches et des sources carcérales, les militaires concernés n’espèrent pas grand-chose de leur procédure d’appel, bien qu’elle soit toujours en cours.

Une guerre impopulaire

L’engagement militaire du Burundi en RDC divise profondément l’opinion publique. Tandis que les autorités la présentent comme une opération de stabilisation régionale, des voix critiques – issues notamment de la société civile – dénoncent une guerre coûteuse en vies humaines et sans justification directe pour le pays.

Le président Évariste Ndayishimiye, en tant que commandant suprême des forces de défense, a publiquement assumé cette politique. Il a déclaré qu’« il est normal que des soldats burundais meurent en RDC, parce qu’ils ont signé pour ça », évoquant l’engagement militaire inhérent à leur fonction.

Arrivée des premiers militaires burundais à l’aéroport de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, à l’est de la RDC. Ce site stratégique a été repris par les rebelles du M23 en janvier 2025. © SOS Médias Burundi

Une poudrière régionale

Sur le plan diplomatique, le conflit en RDC s’est transformé en un foyer de tensions régionales. Le M23, mouvement rebelle à majorité tutsi relancé fin 2021, accuse le gouvernement congolais de n’avoir pas tenu ses promesses de réinsertion. Il contrôle désormais de larges pans des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, incluant des zones minières d’importance stratégique.

Kinshasa accuse le Rwanda de soutenir activement le M23 et d’avoir infiltré jusqu’à 4.000 soldats sur son territoire. Kigali rejette ces accusations, malgré les rapports accablants d’experts des Nations Unies.

Dans ce contexte explosif, les relations entre le président burundais Évariste Ndayishimiye et son homologue rwandais Paul Kagame se sont considérablement détériorées. Le chef d’État burundais a accusé son voisin d’être « le principal déstabilisateur de la sous-région » et d’envisager une attaque contre le Burundi.

Ces tensions alimentent les craintes d’un embrasement régional à grande échelle, alors que la guerre à l’est de la RDC prend une tournure de plus en plus complexe, où s’entremêlent enjeux militaires, géopolitiques et économiques au cœur de la région des Grands Lacs.

________________________________________________

Photo : Les présidents congolais Félix Tshisekedi et burundais Évariste Ndayishimiye lors d’un sommet sur la crise congolaise à Bujumbura, la capitale économique du Burundi. Les deux chefs d’État ont accusé le Rwanda d’avoir envahi l’est de la RDC et ont signé un accord autorisant le déploiement de troupes burundaises sur le sol congolais. © SOS Médias Burundi