Musenyi : des chambres de prière privilégiées au détriment des soins médicaux dans le camp de réfugiés congolais

SOS Médias Burundi
Au site de réfugiés de Musenyi, en province de Burunga, au sud-est du Burundi, une tendance inquiétante prend de l’ampleur. Parmi les plus de 18 000 réfugiés congolais ayant fui la guerre en République démocratique du Congo, certains préfèrent conduire leurs proches malades dans des chambres de prière plutôt que de les emmener sans délai au centre de santé. Motivés par des croyances spirituelles, ce choix entraîne des retards critiques dans l’accès aux soins médicaux et a déjà coûté des vies, notamment parmi les enfants.
Beaucoup de réfugiés interprètent les maladies comme étant d’origine mystique, liées à des esprits maléfiques ou à la sorcellerie. Avant même de songer à une consultation médicale, ils cherchent d’abord un « traitement spirituel » dans des chambres de prière. Résultat : des pathologies pourtant soignables s’aggravent jusqu’à devenir mortelles.
« Mon amie a emmené son enfant malade dans une chambre de prière. On lui a dit que c’était un esprit maléfique. Quand elle s’est finalement décidée à aller au centre de santé, on a découvert que l’enfant souffrait d’une maladie évitable. Mais c’était trop tard. Il est décédé », témoigne Mufariji, réfugié dans le camp.
Ce genre de situation n’est pas isolé. Un infirmier travaillant au centre de santé du camp, sous couvert d’anonymat, confirme la gravité du problème :
« Nous recevons souvent des patients dans un état critique. Quand on leur demande pourquoi ils ne sont pas venus plus tôt, plusieurs répondent qu’ils étaient d’abord dans des chambres de prière. Ces retards peuvent malheureusement coûter des vies. »
Face à cette dérive préoccupante, l’administration du site, en partenariat avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), a lancé un appel pressant la semaine dernière. Elle encourage vivement les réfugiés à se rendre dès l’apparition des premiers symptômes dans un centre de santé, en insistant sur l’importance de consulter des professionnels plutôt que de recourir systématiquement aux prières ou aux soins empiriques à domicile.
Depuis le début de l’année 2025, plusieurs décès liés à des maladies pourtant courantes ont été enregistrés dans le camp, en particulier chez les enfants victimes de paludisme, d’infections respiratoires ou d’affections infantiles. Pour les acteurs humanitaires présents sur place, la priorité absolue est désormais de renforcer la sensibilisation des réfugiés à l’importance des soins médicaux et de développer des campagnes d’éducation sanitaire adaptées au contexte culturel.
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Photo : Une petite paroisse de l’une des églises très fréquentées par les réfugiés congolais dans le Sud-Kivu, leur région d’origine pour la plupart. © Jean Pierre Aimé Harerimana / SOS Médias Burundi

