Derniers articles

Mahama (Rwanda) : une consultation symbolique pour encourager le retour volontaire des réfugiés congolais

SOS Médias Burundi

Le gouvernement rwandais, en partenariat avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), a lancé une initiative présentée comme un « sondage d’opinion » au sein du camp de réfugiés de Mahama, à l’est du Rwanda. Officiellement, il s’agit d’identifier les Congolais désireux de rentrer volontairement en République démocratique du Congo (RDC). Mais selon plusieurs leaders communautaires du camp, cette démarche ne serait qu’une formalité destinée à légitimer les nombreux retours clandestins déjà amorcés.

Mercredi dernier, une réunion extraordinaire a été convoquée par le président du camp, représentant du ministère rwandais chargé des réfugiés. Aux côtés de responsables de la police et des services d’immigration, il a informé les leaders communautaires du lancement imminent d’un sondage visant à « évaluer la volonté des réfugiés congolais de rentrer chez eux ».

« D’après l’accord signé à Washington entre le Rwanda et la RDC, les armes vont se taire dans l’est du Congo. Le M23 et Kinshasa sont convenus d’un cessez-le-feu et d’un dialogue. Il est donc temps de permettre à ceux qui le souhaitent de rentrer, dans un cadre officiel encadré par le HCR et les autorités congolaises », a déclaré l’envoyé du gouvernement rwandais.

Dès le lendemain, les équipes du HCR ont commencé à sillonner plusieurs villages du camp – notamment les villages 3, 4, 5, 6, 13, 16, 17 et 18, situés le long de la rivière Akagera – afin de recueillir les intentions des réfugiés.

Des retours discrets désormais encadrés ?

Mi-juin, SOS Médias Burundi avait révélé, dans une enquête exclusive, que plus d’un millier de réfugiés congolais avaient déjà quitté le camp de manière discrète pour regagner la RDC, sans accompagnement officiel.

Ces retours nocturnes se sont intensifiés depuis la montée en puissance du M23, affilié à l’Alliance Fleuve Congo (AFC), un mouvement politico-militaire accusé par Kinshasa et des experts onusiens d’être soutenu par le Rwanda. Depuis que ce groupe a pris le contrôle de plusieurs zones stratégiques dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, les départs se poursuivent, souvent hors de tout cadre légal et sans appui du HCR ni du ministère rwandais des Réfugiés (MINEMA).

« Ils vont mener une consultation symbolique, puis déclarer que de nombreux Congolais veulent rentrer. Ce sera une manière d’officialiser les retours clandestins déjà en cours. On parlera de rapatriement volontaire, et les premiers départs passeront inaperçus », commente un leader communautaire du camp.

Une question clé : qui accueillera ces réfugiés ?

Si l’initiative évoque un retour volontaire, de nombreuses interrogations demeurent sur la capacité réelle à accueillir ces réfugiés dans l’est du Congo.

« La plupart viennent de zones actuellement contrôlées par le M23. Or, cette administration n’est pas reconnue par Kinshasa. Cela suggère un arrangement entre Kigali et le M23, alors que le seul interlocuteur légitime du Rwanda devrait être le gouvernement congolais », estime un intellectuel burundais résidant à Mahama.

Le profil des partants en dit long

Les réfugiés qui quittent aujourd’hui le camp sont majoritairement des femmes, des enfants et des personnes âgées. Les jeunes hommes, quant à eux, seraient partis plus tôt, certains ayant rejoint les rangs du M23.

« Il arrive que des jeunes reviennent brièvement au camp pour laver leurs uniformes militaires congolais. Ils les font sécher au soleil, sans chercher à se cacher », rapporte une source burundaise sur place.

Derrière cette vague de départs se cache un réseau informel mais actif de « mobilisateurs politiques » congolais. Non reconnus officiellement, ils sont néanmoins tolérés dans le camp. Ces individus organisent des réunions nocturnes où ils recensent les candidats au retour et collectent des contributions.

« Ils promettent une aide financière une fois de retour. Ils assurent que la région est désormais pacifiée, que l’AFC et le M23 reconstruisent l’est du Congo, et que c’est le moment de rentrer », confie un réfugié ayant assisté à plusieurs de ces rencontres.

Depuis janvier 2025, les forces du M23, avec l’appui revendiqué de l’AFC, affirment contrôler les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Par voie de communiqués, ils appellent les réfugiés à revenir pour participer à la « reconstruction » de la région.

Le camp de Mahama demeure le plus grand site d’accueil de réfugiés au Rwanda, abritant plus de 76 000 personnes, dont plus de 40 000 Burundais. Pour les réfugiés congolais, l’ambiance se tend : entre appels au retour, pression croissante et incertitudes sécuritaires en RDC, le choix de partir ou de rester reste profondément anxiogène.

________________________________________________

Photo : Des réfugiés nettoient les alentours dans le camp de Mahama, à l’est du Rwanda, où un sondage est en cours pour inciter les réfugiés congolais au retour volontaire. © SOS Médias Burundi