Burundi : une bombe démographique dans un pays à l’économie sous tension

SOS Médias Burundi
Avec une croissance démographique fulgurante, le Burundi s’avance sur une ligne de crête périlleuse. Sa population est passée de 8,5 millions d’habitants en 2008 à plus de 13 millions aujourd’hui. Cette progression, soutenue par les derniers chiffres du recensement général de 2024 et les données du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), inquiète les experts.
Le pays affiche désormais une densité de 485 habitants par km², ce qui en fait l’un des États les plus densément peuplés de la planète, sur un territoire de seulement 27 834 km². Chaque année, plus de 300 000 Burundais s’ajoutent à cette population déjà pressurisée.
« Le développement ne suit pas le rythme de la croissance démographique. Il est donc urgent de repenser la politique démographique », avertit le professeur Évariste Ngayimpenda, démographe.
Une jeunesse pléthorique, mais désorientée
Le recensement de 2024 révèle un pays extrêmement jeune : plus de la moitié de la population a moins de 18 ans. Parmi les chiffres les plus marquants :
- 16,7 % ont moins de 5 ans (soit 2 041 650 enfants)
- 13,5 % ont entre 10 et 14 ans (1 648 455 jeunes)
- 10,9 % ont entre 15 et 19 ans (1 336 091 jeunes)
Ce potentiel démographique pourrait être un atout si les structures d’accueil suivaient. Mais dans un pays où les systèmes d’éducation, de santé et d’emploi sont déjà à bout de souffle, cette jeunesse devient un défi monumental.
Une génération sans perspectives claires
Le recensement a eu lieu dans un contexte de crise économique aiguë. Le franc burundais poursuit sa chute, le chômage frappe durement les jeunes diplômés, les prix des produits de première nécessité flambent et l’accès aux services de base varie fortement selon les régions.
Dans les zones rurales, nombreux sont les enfants qui quittent l’école sans même avoir terminé le cycle primaire. En ville, les diplômés errent, sans emploi, désabusés face à un marché du travail saturé.
« Le pays produit chaque année des milliers de jeunes prêts à travailler, mais l’économie ne suit pas. Le fossé entre aspirations et réalité se creuse dangereusement », analyse un économiste basé à Bujumbura.
Ignorance sexuelle et pauvreté : un cercle vicieux
La faiblesse de l’éducation sexuelle constitue un facteur aggravant. Selon le professeur Ngayimpenda, 80 % des femmes ignorent leur période de fécondité, ce qui contribue à de nombreuses grossesses non désirées.
Ces grossesses, en plus d’affecter la santé des mères, alourdissent la charge financière des ménages et accentuent la pression sur des infrastructures déjà saturées.
L’avenir : entre explosion démographique et vieillissement
Si la tendance actuelle se poursuit sans inflexion majeure, les projections sont sans appel :
- 14 millions d’habitants d’ici 2030
- Plus de 16 millions à l’horizon 2035
Et un paradoxe s’annonce : alors que la natalité pourrait progressivement baisser et que l’espérance de vie s’allonge, le pays risque aussi d’affronter un vieillissement rapide de sa population. Il faudra donc répondre, à la fois, aux besoins d’une jeunesse massive et à ceux d’une population adulte vieillissante. Une double pression inédite.
Un sursaut nécessaire
Face à cette situation, les spécialistes appellent à des réformes structurelles urgentes :
- Renforcer l’éducation sexuelle et la planification familiale
- Autonomiser les femmes sur les plans économique et social
- Investir massivement dans l’éducation, la santé, l’agriculture moderne et l’entrepreneuriat des jeunes
- Développer une vision stratégique de l’aménagement urbain et rural
Le Burundi est à la croisée des chemins. Sa démographie galopante peut devenir un levier de développement ou un facteur d’effondrement, selon les choix politiques à venir.
Sans une stratégie claire et des investissements ciblés, le pays court le risque de voir émerger une génération sacrifiée, privée d’avenir, potentiellement source de tensions sociales majeures. Mais avec de la volonté, cette jeunesse peut incarner l’énergie d’un Burundi plus juste, plus stable et durable.
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Photo : Une femme et ses deux enfants s’approvisionnent en eau à un robinet public dans une région du sud-ouest du Burundi, où la croissance démographique exerce une forte pression sur les ressources de base. © SOS Médias Burundi