Derniers articles

Sud-Kivu : Kinshasa accuse le M23 de préparer une offensive sur Uvira — des autorités locales se replient chaque soir à Bujumbura

SOS Médias Burundi

Kinshasa tire la sonnette d’alarme : le mouvement rebelle M23, allié à l’Alliance Fleuve Congo (AFC), préparerait une offensive d’envergure contre le territoire d’Uvira, au Sud-Kivu. Tandis que des mouvements suspects de troupes sont signalés dans la région, plusieurs responsables provinciaux semblent avoir déjà pris leurs précautions, passant leurs nuits à Bujumbura, capitale économique du Burundi située à quelques kilomètres seulement de la ville d’Uvira.

Lors du conseil des ministres du vendredi 11 juillet, le porte-parole du gouvernement congolais, Patrick Muyaya, a accusé le M23/AFC de mener des manœuvres militaires coordonnées dans plusieurs zones stratégiques, dans le but, selon lui, de « reconquérir le territoire d’Uvira ». Le groupe rebelle contrôle déjà d’importants territoires dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, notamment des zones riches en ressources minières.

Mouvements suspects à Kamanyola

Sur le terrain, les alertes se multiplient. D’après Mafikiri Mashimango, coordinateur de la société civile d’Uvira, plus de 250 combattants lourdement armés en provenance de Nyangezi ont été aperçus à Kamanyola, en direction de Katogota, à proximité immédiate d’Uvira.

« La coordination provinciale de la Nouvelle Société Civile Congolaise alerte sur le passage de soldats du M23/AFC accompagnés d’une jeep militaire transportant des soldats rwandais ayant franchi la frontière à Kamanyola », a-t-il déclaré dans un communiqué diffusé le soir du 11 juillet.

Une région sous haute tension

Face à la menace, les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) auraient lancé des contre-attaques, appuyées par plusieurs alliés : l’armée burundaise, des milices locales Wazalendo, et même certains éléments des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), selon des sources proches du M23. Les affrontements se concentreraient actuellement autour de Kahololo, Katogota, Rugezi, Minembwe et Bijabo.

Les Wazalendo, milices d’autodéfense soutenues par Kinshasa, jouent un rôle croissant dans la résistance face au M23. Les FDLR, quant à elles, restent un acteur controversé. Ce groupe armé, composé en partie d’anciens responsables du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994, s’est réfugié dans l’est de la RDC depuis près de trois décennies. Kigali les accuse régulièrement d’être armés et soutenus par Kinshasa, une accusation que les autorités congolaises rejettent, qualifiant les FDLR de simple « force résiduelle » sans réelle capacité de nuisance.

Le président Félix Tshisekedi a d’ailleurs, à plusieurs reprises, minimisé leur rôle, parlant d’un groupe marginal, essentiellement réduit à des actes de banditisme.

Négociations de paix au Qatar, guerre sur le terrain

Dans un contraste saisissant avec la situation sur le terrain, des pourparlers de paix se tiennent actuellement à Doha, au Qatar. Des émissaires congolais et rwandais y discutent d’un règlement politique du conflit. Toutefois, aucune avancée majeure n’a pour l’instant été annoncée.

Le M23, qui s’est rallié à l’Alliance Fleuve Congo, cherche à renforcer sa légitimité politique au-delà du cadre militaire. Ce groupe armé, majoritairement composé de Tutsis congolais, a repris les armes en 2021, reprochant au gouvernement congolais de ne pas avoir respecté les accords de réintégration signés des années auparavant. En juin 2022, il avait notamment pris le contrôle du poste frontalier stratégique de Bunagana, à la frontière avec l’Ouganda.

Uvira, dernier verrou du Sud-Kivu

Aujourd’hui, Uvira reste la dernière grande ville du Sud-Kivu encore sous contrôle total de l’État congolais. Sa proximité géographique avec le Burundi — elle n’est distante de Bujumbura que de quelques kilomètres — facilite un repli rapide pour les autorités locales. D’après des sources concordantes recueillies par SOS Médias Burundi, plusieurs hauts responsables provinciaux préfèrent quitter Uvira chaque soir pour passer la nuit en territoire burundais, redoutant une attaque surprise.

Kigali de nouveau accusé

Comme à l’accoutumée, les regards se tournent vers Kigali. Kinshasa et plusieurs agences des Nations unies accusent le Rwanda d’appuyer activement le M23, avec le déploiement présumé de quelque 4 000 soldats rwandais sur le sol congolais. Kigali, de son côté, dément formellement toute implication, qualifiant ces allégations d’« infondées et hostiles ».

L’accord de Washington déjà fragilisé ?

La résurgence des tensions intervient moins de deux semaines après la signature à Washington d’un accord-cadre entre la RDC et le Rwanda, sous la médiation des États-Unis. Ce texte prévoyait notamment la fin du soutien aux groupes armés, le retrait de toutes les troupes étrangères présentes sur le territoire congolais, ainsi que la relance d’un mécanisme régional de coordination pour restaurer la paix dans les Kivu.

Mais les mouvements de troupes, les accusations mutuelles et la méfiance persistante jettent d’ores et déjà un doute sérieux sur la viabilité de cet accord. Le spectre d’un nouvel embrasement dans la région des Grands-Lacs n’a jamais semblé aussi proche.

________________________________________________

Photo : Un check-point des casques bleus de la Monusco à Uvira, dans le Sud-Kivu, une zone minée par la présence de milices soutenues par Kinshasa et d’hommes armés, identifiés ou non. © SOS Médias Burundi