Burunga : une médiatrice collinaire tuée à la machette à Gikuzi, sur fond de sorcellerie et de tensions liées à un deuil
SOS Médias Burundi
Un crime d’une violence rare a bouleversé la colline Gikuzi, dans la province de Burunga, vendredi 11 juillet. Donavine Nsavyimana, médiatrice collinaire de la sous-colline Gitabazi, a été tuée à coups de machette à son domicile, dans un contexte explosif mêlant accusations de sorcellerie et tensions liées à un deuil familial non levé.
Les faits se sont produits peu après 11h dans l’ancienne commune de Vugizo – aujourd’hui rattachée à celle de Nyanza dans le cadre de la récente réforme administrative. Selon des témoins et la police locale, Boniface Nyandwi, un habitant de la sous-colline voisine de Mahembe, se serait introduit chez la victime avant de l’attaquer mortellement à la machette, puis de prendre la fuite.
« Malheureusement, personne n’a alerté les autorités à temps. Sinon, ce drame aurait pu être évité », déplore un officier de police de la région.
Un crime peut-être prémédité
Derrière cet acte brutal, plusieurs sources évoquent une possible préméditation. Le nom d’Emmanuel Ndayirukiye, un enseignant récemment endeuillé, est cité avec insistance. Son enfant est décédé il y a quelques semaines, et la levée de deuil était prévue pour le samedi 12 juillet.
Selon plusieurs témoignages recueillis par SOS Médias Burundi, l’enseignant aurait publiquement déclaré qu’il ne lèverait pas son deuil tant que Donavine Nsavyimana serait encore en vie. Des propos lourds de sous-entendus, qui laissent penser à une vendetta nourrie de croyances mystiques.
Un climat de peur et de suspicion
Depuis plus d’un an, la région est traversée par une vague de suspicion liée à la sorcellerie. Certains habitants affirment avoir eu recours à des « désempoisonneurs » venus de Tanzanie pour procéder à des rituels de purification. Ces pratiques ont alimenté des dénonciations, des conflits communautaires et même des actes de violence.
Dans ce climat délétère, plusieurs figures locales – chefs collinaires, fonctionnaires, enseignants et religieux – ont été accusées d’activités occultes. Donavine Nsavyimana, malgré son engagement reconnu en tant que médiatrice, n’a pas échappé à ces rumeurs persistantes l’associant à des pratiques mystiques.
Une fonction utile, mais à haut risque
Au Burundi, les médiateurs collinaires jouent un rôle essentiel dans la résolution des conflits de proximité – notamment ceux liés aux terres, à la famille ou au voisinage. Élus par leurs communautés, ils favorisent le dialogue et la réconciliation.
Mais dans un climat de défiance et de peur, leur rôle peut devenir périlleux. Engagés sur des dossiers sensibles, ils peuvent être perçus comme des menaces. L’assassinat de Donavine en est une illustration tragique.
Appel au calme et à la justice
Les autorités locales de la commune de Nyanza ont appelé la population au calme et à ne pas céder à la justice populaire.
« La justice ne se rend pas à la machette. Elle doit suivre les voies légales », a insisté un haut responsable communal lors d’un point presse.
La police a annoncé la poursuite des investigations pour identifier les éventuels complices ou instigateurs.
L’assassin présumé s’est rendu
Dans la soirée de samedi, Boniface Nyandwi s’est finalement présenté de lui-même à la police. Il a été placé en garde à vue. Les autorités précisent que l’enquête suit son cours pour déterminer l’ensemble des responsabilités dans ce meurtre qui a profondément choqué la communauté de Gikuzi et bien au-delà.
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Photo : Des notables collinaires, dont une femme, en pleine médiation lors de la gestion d’un conflit communautaire au Burundi. © SOS Médias Burundi
