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Tanzanie – Camp de Nyarugusu : vives tensions entre réfugiés catholiques et leur curé après un appel au rapatriement volontaire

Des réfugiés burundais dans une réunion avec les autorités tanzaniennes au camp de Nyarugusu ©SOS Médias Burundi

SOS Médias Burundi

Au camp de réfugiés de Nyarugusu, dans la région de Kigoma, au nord-ouest de la Tanzanie, un sermon prononcé fin juin par le curé de la paroisse catholique locale a provoqué l’indignation de nombreux fidèles. En appelant les réfugiés à s’inscrire au programme de rapatriement volontaire, le prêtre a suscité une onde de colère parmi ceux qui dénoncent une méconnaissance de leurs conditions de vie et un ton jugé humiliant.

Le dimanche 30 juin, lors de la messe, le curé n’a pas mâché ses mots. Il a ouvertement fustigé les réfugiés qui choisissent de rester au camp, les accusant de passivité et de dépendance à l’aide humanitaire.

« Il y a des hommes qui font honte ici : ceux qui croupissent dans ce camp, font la queue pour recevoir deux kilos de farine et un peu d’huile, assis toute la journée devant leurs huttes, au lieu de rentrer chez eux, manger à leur faim et devenir maîtres de leur vie. Vous êtes pitoyables », a-t-il déclaré.

Il a poursuivi en encourageant les fidèles à « tourner la page » et à faire le choix du retour au pays.

« Je vous conseille de tout laisser ici, de ne plus tendre les mains à ceux qui ne veulent pas de vous et qui n’ont pas pitié de votre vie. Ayez le courage de prendre une décision difficile, mais meilleure pour votre avenir : celle de vous enregistrer au rapatriement volontaire. »

Un tollé immédiat parmi les fidèles

Les propos ont profondément choqué de nombreux réfugiés catholiques. Plusieurs fidèles ont quitté l’église avant la fin de l’office. Certains ont juré de ne plus assister à la messe, d’autres ont annoncé leur intention de boycotter les sacrements administrés par ce curé.

Le mécontentement s’est rapidement propagé au-delà de la paroisse, atteignant le diocèse de Kasulu, responsable de l’encadrement pastoral dans le camp. Des membres de la communauté réfugiée ont formellement saisi les autorités diocésaines, dénonçant les propos du prêtre comme méprisants et déplacés au regard de leur situation précaire.

Une tentative de désamorcer la crise

Face à la grogne persistante, le curé a été convoqué par le diocèse pour s’expliquer. Lors de la messe suivante, il est revenu au camp, cette fois accompagné d’un envoyé spécial : un prêtre européen mandaté par l’évêché pour calmer les tensions.

Ce dernier a appelé les fidèles à la réconciliation, demandant de pardonner « l’agneau du Christ pour tout écart », en insistant sur les bonnes intentions derrière les propos tenus. Il a encouragé les fidèles à réintégrer la paroisse et à continuer de recevoir les sacrements.

Mais le curé incriminé, lui, n’a exprimé aucun regret. Il a maintenu sa position, estimant que « la vérité blesse ». Une posture qui a laissé une grande partie de la communauté insatisfaite, voire blessée.

Une impression de pression déguisée

Pour de nombreux réfugiés, ce sermon ne serait pas un simple dérapage isolé, mais s’inscrirait dans une tendance plus large : celle des pressions, parfois indirectes, pour pousser les réfugiés à rentrer chez eux.

« La Tanzanie veut passer par tous les canaux pour montrer qu’elle ne veut plus des réfugiés », affirment plusieurs d’entre eux.

Ils appellent le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) ainsi que les acteurs internationaux à rester vigilants face à ce qu’ils perçoivent comme une atteinte à leurs droits fondamentaux et à leur liberté de choix.

Un camp sous pression

La Tanzanie héberge actuellement plus de 110 000 réfugiés, dont plus de 50 000 dans le seul camp de Nyarugusu. Ce vaste site, l’un des plus grands camps de réfugiés d’Afrique, accueille principalement des ressortissants congolais fuyant les violences dans l’est de la RDC, ainsi que des Burundais.

Malgré les conditions de vie difficiles dans le camp, nombre de réfugiés estiment que leur retour prématuré dans leur pays d’origine pourrait mettre leur sécurité en danger. Beaucoup affirment vouloir rester jusqu’à ce que des garanties solides soient réunies pour un retour digne, sûr et durable.

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Photo : Des réfugiés burundais dans une réunion avec le directeur en charge des réfugiés à Kigoma, le 9 avril 2024 à Nyarugusu © SOS Médias Burundi