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Mwaro : plus de 140 cas de violences basées sur le genre en six mois : les violences économiques prédominent

SOS Médias Burundi

Dans la province de Mwaro, désormais intégrée à celle de Gitega selon le nouveau découpage administratif, plus de 140 cas de violences basées sur le genre (VBG) ont été enregistrés en l’espace de six mois. Les violences économiques arrivent largement en tête, dans un contexte marqué par l’impunité, la banalisation sociale de ces actes et le silence des victimes.

La Direction Provinciale du Développement Familial et Social (DPDFS) de Mwaro a tiré la sonnette d’alarme : entre janvier et juin 2025, 143 cas de VBG ont été recensés. Un chiffre inquiétant qui révèle une réalité bien plus large : les violences économiques, souvent ignorées ou minimisées, représentent la majorité des cas, devant les violences psychologiques, physiques et sexuelles.

Une violence discrète mais dévastatrice

Pour Mélance Nkurunziza, chef de la DPDFS à Mwaro, les violences économiques s’inscrivent dans un schéma conjugal inégalitaire :

« Dans certains foyers, les femmes sont délibérément exclues des décisions économiques ou privées d’accès aux ressources du ménage. C’est une forme de violence grave, mais trop souvent tolérée socialement. »

Ces violences, bien qu’invisibles aux yeux du grand public, plongent de nombreuses femmes dans la précarité, l’isolement et la dépendance. À cela s’ajoutent les violences physiques, psychologiques ou sexuelles, moins fréquentes dans les statistiques, mais largement sous-déclarées. En cause : la peur des représailles, la pression sociale, ou l’ignorance des recours possibles.

Des militants de la société civile pointent du doigt un environnement encore largement patriarcal, un manque de sensibilisation et l’absence de structures d’accompagnement efficaces. Des facteurs qui contribuent à maintenir les victimes dans le silence.

L’impunité, un moteur silencieux

L’un des éléments les plus alarmants reste l’impunité persistante.

« Certaines plaintes sont étouffées ou classées sans suite, parfois à cause de la corruption dans les services locaux de justice. Cela dissuade d’autres victimes de porter plainte et renforce le cycle de la violence », explique un militant basé à Mwaro.

Les autorités locales appellent pourtant les victimes à dénoncer les abus et à faire appel aux mécanismes en place : police, tribunaux, centres d’écoute ou organisations non gouvernementales. Mais ces dispositifs restent inégalement accessibles et mal connus du grand public.

Une situation qui dépasse Mwaro

Le cas de Mwaro n’est pas isolé. À travers tout le pays, les organisations de défense des droits des femmes dénoncent une hausse généralisée des violences faites aux femmes, dans un climat d’indifférence institutionnelle.

L’Association des Femmes Juristes du Burundi (AFJB), notamment, déplore l’inaction des autorités et un système judiciaire souvent défaillant :

« Trop de femmes vivent dans la peur et n’ont pas accès à la justice. Il faut un système judiciaire réactif et débarrassé de la corruption pour mettre fin à ces violences », plaide une responsable de l’organisation, jointe par SOS Médias Burundi.

Violences économiques, agressions physiques, harcèlement psychologique, marginalisation : toutes les provinces du Burundi sont concernées. Le phénomène est endémique, enraciné dans des normes sociales patriarcales persistantes et un manque de volonté politique.

Appel à une action urgente et coordonnée

Face à cette crise silencieuse, les acteurs de la société civile appellent à une mobilisation collective, autour de mesures concrètes :

  • Renforcement des capacités des juges, policiers et travailleurs sociaux ;
  • Création de cellules d’écoute dans chaque commune, accessibles et équipées ;
  • Campagnes de sensibilisation pour déconstruire les normes patriarcales ;
  • Accompagnement juridique et psychologique systématique des victimes.

Mwaro, comme d’autres provinces, est confrontée à une véritable urgence sociale. Autorités et ONG s’accordent sur la nécessité d’une réponse courageuse, inclusive et coordonnée.

« Au-delà des chiffres, ce sont des vies brisées, des familles déstabilisées, et une société entière qui souffre. Il est temps que la lutte contre les violences basées sur le genre devienne une priorité nationale », insiste un défenseur local des droits des femmes.

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Photo : Deux femmes circulent à moto dans l’ouest du Burundi. Les violences basées sur le genre restent très alarmantes dans la province de Mwaro, au centre du pays. © SOS Médias Burundi