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Burundi – Buhumuza : un sexagénaire violemment battu par des Imbonerakure après avoir critiqué le pouvoir

SOS Médias Burundi

L’agression brutale d’un homme de 67 ans par des jeunes affiliés au parti au pouvoir suscite l’indignation dans la province de Ruyigi. Venerand Mvuyekure, père de six enfants, a été passé à tabac après avoir dénoncé des fraudes électorales présumées, illustrant une fois de plus les dérives d’impunité qui minent la région de Buhumuza.

Les faits remontent au 29 juin 2025. Ce jour-là, sur la colline Musumba, zone Kabanga, commune Gisuru, Venerand Mvuyekure participait à une cérémonie de mariage chez un voisin lorsqu’un groupe de jeunes de la ligue Imbonerakure – la branche jeunesse du CNDD-FDD – l’a extirpé de force des festivités. Il a ensuite été conduit à une trentaine de mètres du lieu, avant d’être violemment roué de coups.

Selon un témoin oculaire, la victime présentait des blessures visibles, notamment des saignements par le nez et la bouche, laissant craindre une hémorragie interne. Hospitalisé deux jours à Kinyinya, il a depuis regagné son domicile, mais sa convalescence reste difficile. Son état de santé est jugé préoccupant par des sources locales, en raison de douleurs persistantes à la tête et à la colonne vertébrale.

Les auteurs présumés de cette agression ont été formellement identifiés. Il s’agit d’Anaclet Nsengiyumva, chef des Imbonerakure sur la colline Musumba, de Jean Katihabwa, représentant local du CNDD-FDD, de Célestin Hakizimana, vice-président de ce même parti dans la localité, ainsi que d’Ezechiel Ndayishimiye et Charles Ndizeye.

Outre les violences physiques, les agresseurs auraient également dépouillé la victime de 40 000 francs burundais et de ses chaussures.

Venerand Mvuyekure affirme être ciblé pour ses opinions politiques. Il est accusé d’avoir critiqué ouvertement les fraudes électorales et d’avoir qualifié les électeurs du CNDD-FDD de « inkorokoro », une insulte en kirundi à connotation péjorative. Il rejette ces accusations et se dit victime de représailles pour sa fidélité à l’opposant Agathon Rwasa.

Malgré la gravité des faits et l’identification des agresseurs, aucune mesure n’a été prise à ce jour. Les accusés circulent librement dans la communauté, alimentant un profond sentiment d’impunité et de peur dans le voisinage. La victime demande à être protégée et appelle les autorités à faire toute la lumière sur cette affaire.

Contacté par SOS Médias Burundi, le chef de colline de Musumba, Jean Marie Claude Nyandwi, a confirmé l’agression. Il affirme que Mvuyekure a effectivement été battu après avoir, selon ses agresseurs, tenu des propos injurieux à l’égard des membres du CNDD-FDD.

Une milice controversée sous les projecteurs

La ligue Imbonerakure, souvent décrite comme la milice du parti au pouvoir, est régulièrement accusée d’intimidation et de violences ciblées, notamment à l’encontre des opposants politiques et des voix critiques du régime. Plusieurs rapports d’organisations internationales comme les Nations Unies, Human Rights Watch ou Amnesty International, qualifient cette organisation de « milice » et documentent de nombreuses exactions, en particulier durant les périodes électorales.

Le gouvernement burundais, pour sa part, continue de présenter les Imbonerakure comme une simple organisation de jeunesse engagée dans des actions de développement communautaire.

Vives réactions des défenseurs des droits humains

Cette nouvelle attaque a provoqué l’indignation dans les milieux de défense des droits humains. Un militant basé dans la région, contacté par SOS Médias Burundi sous couvert d’anonymat, dénonce une situation de plus en plus inquiétante :

« Nous sommes profondément préoccupés par la multiplication des violences à l’encontre de ceux qui osent exprimer des opinions divergentes. L’impunité dans cette affaire est inacceptable. Nous exigeons l’ouverture immédiate d’une enquête indépendante. »

À Buhumuza, cette agression vient s’ajouter à une série de cas similaires ayant pour point commun la tolérance, voire la protection apparente, accordée aux auteurs. Loin d’être un incident isolé, l’affaire Mvuyekure illustre la persistance d’un climat de répression politique sous couvert d’activisme partisan.

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Photo : Des Imbonerakure en parade militaire en marge de la célébration de la 8ᵉ édition de la journée qui leur est dédiée, le 31 août 2024 à Bujumbura. © SOS Médias Burundi