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RDC : un drone militaire congolais cible un avion humanitaire à Minembwe — l’AFC dénonce un « crime de guerre » contre les Banyamulenge

SOS Médias Burundi

Un avion civil transportant des médicaments a été frappé par un drone militaire des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) alors qu’il s’approchait de la piste de Kiziba, dans la localité de Minembwe, territoire de Fizi (Sud-Kivu), selon plusieurs sources locales. L’incident, survenu ce lundi 30 juin, a blessé deux civils au sol, dont un enfant, tandis que les deux pilotes ont survécu, l’un d’eux étant légèrement touché.

D’après des témoins, l’avion aurait d’abord raté son atterrissage avant de s’écraser à Uwigishigo, à environ deux kilomètres de la piste. Vingt-quatre heures plus tard, une frappe de drone aurait visé l’épave, alors que la mission humanitaire était déjà terminée, provoquant une puissante explosion.

L’identité exacte de l’aéronef et sa provenance n’ont pas été officiellement confirmées. Il s’agissait néanmoins de son troisième vol enregistré vers Minembwe depuis le début de l’année. Dans cette zone isolée, en proie à une insécurité chronique et des tensions communautaires récurrentes, le transport aérien reste un des rares moyens d’acheminer l’aide humanitaire.

Une frappe survenue en pleine trêve

L’attaque intervient trois jours seulement après l’annonce d’un cessez-le-feu signé à Washington entre la RDC et le Rwanda, sous médiation américaine, le 27 juin 2025. Ce contexte de détente régionale rend l’incident d’autant plus préoccupant, d’autant que c’est la quatrième frappe aérienne signalée dans les localités de Minembwe et Mikenge depuis février.

Des sources militaires congolaises soupçonnent que l’appareil transportait des armes à destination des milices Twirwaneho, un groupe armé composé majoritairement de Banyamulenge. Aucune preuve tangible n’a toutefois été rendue publique.

L’AFC parle de « crime de guerre »

Dans un communiqué publié le 30 juin, l’Alliance Fleuve Congo (AFC), un mouvement politico-militaire proche du M23, a fermement condamné l’attaque. Elle qualifie l’événement de « crime odieux » et de « barbarie inqualifiable ».

Active depuis le début de l’année dans plusieurs zones stratégiques du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, notamment dans des localités riches en ressources minières, l’AFC accuse Kinshasa de cibler systématiquement la communauté Banyamulenge dans le cadre d’un prétendu « nettoyage ethnique » entamé, selon elle, depuis 2017.

« Ce crime n’a pas seulement causé des blessures humaines, il a aussi anéanti des produits de première nécessité, notamment des médicaments », a déploré Lawrence Kanyuka, porte-parole de l’AFC.

Le mouvement affirme également que les FARDC agissent en collusion avec plusieurs forces armées et milices de la région : la Force de défense nationale du Burundi (FDNB), les FDLR — un groupe armé hutu rwandais issu du génocide de 1994 —, ainsi que les milices Wazalendo, régulièrement accusées d’exactions dans l’est du pays.

Appel à une enquête indépendante

L’AFC appelle la communauté internationale à diligenter une enquête indépendante sur l’incident, qualifié de « crime de guerre ». Elle exige également la cessation immédiate des attaques contre les Banyamulenge et affirme que ces actes ne resteront pas impunis.

Souvent perçus comme des étrangers en raison de leur langue proche du kinyarwanda, les Banyamulenge, communauté d’éleveurs installée de longue date dans l’est de la RDC, dénoncent depuis plusieurs années des persécutions ciblées. La résurgence du M23 en 2021 a ravivé les tensions, les populations rwandophones étant fréquemment assimilées à des relais de Kigali.

L’ONU a d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme à plusieurs reprises, dénonçant un discours de haine croissant envers ces populations, accompagné d’appels à la violence. Elle a exhorté les autorités congolaises à agir pour y mettre un terme. De son côté, le président rwandais Paul Kagame a dénoncé ce qu’il considère comme l’inaction, voire l’ambiguïté, de la communauté internationale face à cette situation.

La version officielle des FARDC

Dans un communiqué diffusé lundi soir, les FARDC affirment avoir détecté « un aéronef non identifié ayant pénétré illégalement l’espace aérien congolais sans autorisation ». Après des vérifications, l’armée indique avoir pris « des mesures appropriées pour garantir la sécurité de notre espace aérien et préserver l’intégrité nationale », sans toutefois préciser si l’appareil a été directement abattu.

Des versions divergentes

La version des autorités congolaises est contestée par Moïse Nyarugabo, ancien député et figure influente de la communauté Banyamulenge. Selon lui, l’avion transportait uniquement du matériel médical destiné à des populations en détresse humanitaire.

Mais l’administrateur du territoire de Fizi, Samy Badibanga, réfute cette affirmation. Il rappelle que toute aide humanitaire légale doit passer par des canaux reconnus, comme le CICR, Médecins du Monde ou les services sanitaires locaux.

« Tous les produits pharmaceutiques doivent transiter par le centre administratif de Fizi. Aucune livraison directe à Minembwe ne peut se faire sans coordination préalable », a-t-il précisé, cité par Radio Okapi.

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Photo : Un avion humanitaire se pose sur la piste de Kiziba, dans la province du Sud-Kivu, à l’est de la RD Congo. © DR