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Élections de juin : les médias entre satisfecit et dérives, le CNC dresse son bilan

SOS Médias Burundi

Alors que le Conseil national de la communication (CNC) dresse un bilan globalement positif de la couverture médiatique des élections du 5 juin, plusieurs journalistes remettent en question cette lecture officielle. Si le professionnalisme des médias est salué, des restrictions d’accès et des déséquilibres sont également pointés du doigt.

Le Conseil national de la communication (CNC) a dressé ce lundi son bilan de la couverture médiatique des élections communales et législatives du 5 juin. Lors d’un point de presse tenu à la Maison de la Presse du Burundi, sa présidente, Espérance Ndayizeye, a exprimé sa satisfaction globale quant au comportement des médias tout au long du processus électoral.

« De manière générale, les médias audiovisuels, écrits et en ligne ont couvert professionnellement toutes les étapes du processus électoral, dans le respect de la loi », a-t-elle déclaré devant les journalistes.

Le CNC a notamment salué la discipline observée par les professionnels des médias, qui ont attendu la proclamation officielle des résultats par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) avant toute publication. Mme Ndayizeye a également mis en avant le travail collectif des médias, qu’elle juge constructif. Cette synergie aurait permis de faire ressortir tant les avancées que les irrégularités, facilitant ainsi des réactions rapides de la part de la CENI.

Elle a souligné l’effort de mobilisation nationale des journalistes, envoyés sur tout le territoire pour assurer une couverture aussi large que possible de ce scrutin jugé crucial.

Inégalités d’accès dans les médias publics

Cependant, le CNC a aussi relevé plusieurs manquements, notamment en matière d’équilibre dans le traitement de l’information et de respect du temps d’antenne alloué. La Radiotélévision nationale du Burundi (RTNB) a été pointée du doigt : bien qu’ayant diffusé les projets de société des 29 formations en lice – partis politiques et une coalition – elle n’aurait pas respecté équitablement les 15 minutes d’antenne prévues pour chacun.

Le CNC a par ailleurs dénoncé certains cas de diffamation, d’exagération et de propos non fondés dans la couverture de certains médias.

Des critiques jugées tardives

Mme Ndayizeye s’est dite étonnée par les plaintes émises après coup par certains journalistes qui affirment avoir été empêchés de travailler librement durant le processus électoral.

« Il aurait fallu signaler ces difficultés avant les élections », a-t-elle réagi, en appelant les professionnels à produire des preuves concrètes lorsqu’ils évoquent des entraves à leur travail. Elle a assuré qu’aucun incident majeur impliquant des journalistes n’a été signalé durant cette période, affirmant qu’ils ont pu exercer leur métier « en toute sécurité et dans la tranquillité ».

Plusieurs médias épinglés

Le service de monitoring du CNC a toutefois identifié divers manquements dans plusieurs rédactions, notamment des déséquilibres dans le traitement de l’information et la diffusion de contenus jugés tendancieux. Les journaux Iwacu, Iris News, Jimbere et Yaga ont été cités pour une couverture jugée partielle de la campagne électorale. Des médias internationaux comme RFI et France 24 figurent également dans les observations du CNC.

En conclusion, la présidente du CNC a lancé un appel à la responsabilité :
« Nous encourageons les journalistes et les organes de presse à renforcer leur professionnalisme, surtout en période électorale. Une presse libre et responsable reste une pierre angulaire de la démocratie. »

Une réalité contestée sur le terrain

Mais le bilan présenté par le CNC ne fait pas l’unanimité. Plusieurs journalistes et observateurs de terrain évoquent des obstacles majeurs à une couverture libre et indépendante du scrutin.

D’après les informations recueillies par SOS Médias Burundi, certains reporters n’ont quitté Bujumbura — où se concentrent la plupart des institutions et agences onusiennes — qu’aux alentours de 23 heures la veille des élections, alors qu’ils étaient attendus dans des localités éloignées, proches des frontières avec le Rwanda, la RDC et la Tanzanie.

Le jour du vote, de nombreux journalistes ont été empêchés d’accéder aux bureaux de vote lors du dépouillement. Par ailleurs, aucun reporter n’était autorisé à couvrir les opérations électorales en dehors de la synergie centralisée dans les locaux des médias publics, ou sans une accréditation spéciale délivrée par la CENI.

Des restrictions que plusieurs professionnels dénoncent toujours, estimant qu’elles ont sérieusement entravé la liberté de la presse et compromis la possibilité d’une couverture véritablement indépendante de ce scrutin.

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Photo : Des journalistes burundais, regroupés au sein de la synergie des médias, coincés à la Maison de la Presse dans la capitale économique Bujumbura, le 4 juin 2025 – veille des élections législatives et communales. © SOS Médias Burundi