Burundi – L’imbroglio judiciaire se poursuit : la cour d’appel de Mukaza se déclare incompétente, mais Sandra Muhoza reste détenue

SOS Médias Burundi
Bien que la cour d’appel de Mukaza se soit déclarée incompétente pour juger l’affaire de la journaliste Sandra Muhoza, celle-ci demeure toujours incarcérée à la prison centrale de Mpimba, à Bujumbura. Une détention jugée illégale par ses avocats et dénoncée avec vigueur par Reporters sans frontières (RSF).
Dans une décision rendue le 13 juin 2025, la cour d’appel de Mukaza, basée dans la capitale économique du Burundi, a estimé que l’affaire ne relevait pas de sa compétence territoriale. L’infraction reprochée à la journaliste aurait été commise à Ngozi, dans le nord du pays, où elle réside avec sa famille. La cour a donc invalidé la condamnation initiale ainsi que le mandat d’arrêt qui pesaient sur elle.
Malgré cette décision, qui a été officiellement signifiée à l’intéressée le jour même, Sandra Muhoza reste incarcérée plus de deux semaines après. Son avocat, Me Prosper Niyoyankana, dénonce une détention « désormais sans base légale ». Il accuse les juridictions compétentes de fuir leur responsabilité : « Les tribunaux se dérobent de leur devoir de juger », a-t-il déclaré à SOS Médias Burundi.
RSF hausse le ton : « Libérez Sandra Muhoza ! »
L’ONG Reporters sans frontières a vivement réagi à la poursuite de cette détention. « Non seulement elle n’aurait jamais dû être enfermée, mais elle ne devrait plus y passer une seconde de plus ! », s’est indigné Sadibou Marong, directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF. Selon lui, la privation de liberté dont fait l’objet la journaliste repose sur des documents judiciaires devenus caducs.
RSF appelle les autorités burundaises à appliquer sans délai les conséquences juridiques de la décision du 13 juin : « Libérez Sandra Muhoza ! », exige-t-il.
La décision de la cour d’appel intervient après la réouverture des débats le 26 avril, soit sept semaines auparavant. Dès cette date, la compétence territoriale du tribunal initial avait été vivement contestée par la défense.
Une condamnation controversée
Sandra Muhoza, journaliste au sein du média indépendant La Nova Burundi, avait été condamnée en décembre 2024 à 21 mois de prison : 18 mois pour « atteinte à l’intégrité du territoire national » et trois mois pour « aversion raciale ». Cette condamnation faisait suite à un message partagé dans un groupe WhatsApp, mentionnant une distribution présumée d’armes par le gouvernement burundais.
Le procès avait été marqué par des reports répétés et l’ajout tardif de nouvelles accusations, jugées « sans fondement » par ses avocats. Ces dernières se fondaient notamment sur ses échanges avec un activiste et des journalistes burundais en exil.
Face à ce que RSF considère comme une détention arbitraire, l’organisation a saisi en mars 2025 la rapporteuse spéciale sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique, relevant de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP).
Une journaliste ciblée pour ses enquêtes
Sandra Muhoza est connue pour ses enquêtes sur la gouvernance, la sécurité et les droits humains. Son arrestation fin 2024, à la suite de la diffusion d’informations sensibles, a été perçue par plusieurs organisations de défense de la liberté de la presse comme une nouvelle illustration des pressions exercées contre les journalistes au Burundi.
Depuis le début de sa détention, de nombreuses voix s’élèvent pour exiger sa libération immédiate. En 2024, le Burundi occupait la 108ᵉ place sur 180 dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF, un classement qui pourrait encore se dégrader si cette affaire venait à s’enliser.
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Photo : Sandra Muhoza, journaliste burundaise incarcérée à la prison centrale de Mpimba à Bujumbura, dans une illustration réalisée par SOS Médias Burundi.