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Mahama (Rwanda) : la vie chère et la précarité plongent les réfugiés dans une détresse grandissante

SOS Médias Burundi

Face à la réduction de l’aide humanitaire, les réfugiés burundais du camp de Mahama tirent la sonnette d’alarme : famine, vols, décrochage scolaire, détresse psychologique… la situation devient critique.

Dans l’est du Rwanda, le camp de réfugiés de Mahama sombre peu à peu dans une crise humanitaire alarmante. L’effondrement progressif de l’aide financière et alimentaire, combiné à la flambée des prix, aggrave la misère de milliers de réfugiés, majoritairement burundais. Les signes d’un effritement social sont déjà visibles : insécurité, décrochage scolaire, troubles psychologiques et rupture de confiance au sein des communautés.

Sur place, la précarité s’affiche à visage découvert. La faim est omniprésente, palpable dans les corps affaiblis et les témoignages désespérés. « Ici, personne ne laisse plus rien dehors. Même une marmite ou un bidon d’eau doit être sous clé. En une seconde, on vous vole tout », raconte un père de famille récemment dépossédé de ses vêtements. Les vols se multiplient, symptômes d’une survie devenue incertaine pour beaucoup.

Dans les écoles du camp, les éducateurs tirent la sonnette d’alarme. Les rations distribuées aux élèves ont été réduites, poussant certains enfants à ne venir qu’à l’heure du repas, avant de repartir aussitôt. « Ils ne viennent que pour manger. À la maison, il n’y a plus rien. Et qui pourrait les blâmer ? », confie un enseignant, visiblement impuissant. Résultat : la concentration en classe chute, les abandons se multiplient.

La racine de cette détérioration remonte à avril dernier. L’assistance financière mensuelle versée aux réfugiés a été réduite de près de moitié. Les plus vulnérables – classés en première catégorie – reçoivent désormais 5 600 francs rwandais (environ 4,30 dollars), contre 8 500 auparavant. Ceux de la deuxième catégorie n’ont droit qu’à 2 800 francs, une somme jugée dérisoire face aux besoins élémentaires. « Même avec les anciens montants, on avait faim. Aujourd’hui, c’est l’abîme », témoigne un réfugié désabusé.

L’inquiétude monte d’un cran à l’approche du mois de juillet. Des rumeurs persistantes évoquent la suspension prochaine de la distribution de bouteilles de gaz de cuisine et d’une partie de l’aide alimentaire. Aucun démenti officiel n’a été émis, mais l’incertitude suffit à nourrir l’angoisse collective.

Dans ce contexte, les signes de souffrance psychologique se multiplient. Des leaders communautaires évoquent des « rapatriements suicidaires », une expression qui traduit la détresse extrême de certains réfugiés prêts à rentrer dans leur pays d’origine malgré les risques encourus. D’autres préfèrent liquider prématurément leurs tontines, par peur de voir les caisses communes détournées. « On ne se fait plus confiance. Mieux vaut récupérer ce qu’on peut avant qu’il ne soit trop tard », confie un membre d’un de ces groupes d’épargne solidaire.

Le secteur de la santé n’est pas épargné. Le responsable adjoint du centre de santé Mahama II déplore la suspension des évacuations médicales vers les hôpitaux spécialisés, notamment pour des pathologies lourdes comme le cancer ou les troubles oculaires. Les établissements concernés – CHUK, Kanombe, Roi Faisal à Kigali, Butaro ou Kabwayi – ne reçoivent plus de patients réfugiés faute de budget pour les transferts.

Face à cette spirale descendante, les réfugiés multiplient les appels à l’aide. « La vie devient insupportable. Nous supplions le gouvernement rwandais et ses partenaires de trouver d’autres sources de financement », implore un représentant des réfugiés burundais.

Le HCR, de son côté, s’inquiète ouvertement des conséquences à moyen terme sur la sécurité alimentaire et la cohésion sociale. Le camp de Mahama héberge aujourd’hui plus de 76 000 personnes, bien au-delà de sa capacité initiale. La récente intensification des combats entre l’armée congolaise et les rebelles du M23 a provoqué une nouvelle vague d’arrivées, aggravant encore la situation.

Si rien n’est fait dans les plus brefs délais, préviennent plusieurs observateurs, Mahama pourrait basculer d’une crise humanitaire silencieuse à une catastrophe à ciel ouvert.

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Photo : Un rassemblement de réfugiés dans le camp de Mahama en vue de travaux communautaires visant à renforcer la propreté dans le site. © SOS Médias Burundi