Femmes usagères de drogue à Bujumbura : entre survie, stigmatisation et espoir de réinsertion

SOS Médias Burundi
Stigmatisées, sans abri ni ressources, plusieurs femmes consommatrices de drogues à Bujumbura livrent une lutte acharnée pour sortir de l’addiction et retrouver une vie digne. Soutenues par des associations mais confrontées à de nombreuses difficultés, elles demandent aujourd’hui un accompagnement global pour espérer se réinsérer.
À Bujumbura, plusieurs femmes consommatrices de drogues livrent une bataille quotidienne pour leur survie. Rejetées par leurs familles, marginalisées par la société, elles tentent pourtant de s’en sortir grâce aux traitements de substitution et au soutien de quelques associations. Mais dans un contexte de grande précarité — sans toit, sans ressources, sans emploi —, leur réinsertion reste un chemin semé d’embûches. Ces femmes lancent aujourd’hui un appel urgent à la solidarité, espérant une seconde chance pour redevenir des citoyennes à part entière.
« Quand tu prends de la drogue, tu peux tomber enceinte sans même savoir qui est le père »
Chanelle, 32 ans, vit à Kinanira. Elle a commencé à consommer des drogues à l’âge de 12 ans, après avoir fui un foyer instable.
« J’ai quitté mes parents très jeune à cause des conflits. J’ai vécu dans la rue, où j’ai eu deux enfants. Quand tu prends de la drogue, tu peux tomber enceinte sans même savoir qui t’a mise enceinte, sans parler des viols dont tu ne connais même pas les auteurs », témoigne-t-elle.
Aujourd’hui, Chanelle est sous traitement à la méthadone, un programme de substitution mis en place pour limiter les effets du manque. Elle remercie les associations pour leur aide, mais souligne que l’arrêt de la consommation reste un processus difficile :
« Elles nous donnent les médicaments, elles nous écoutent. Mais arrêter la drogue, ce n’est pas facile. »
L’héroïne, les rechutes et la spirale de la rue
Scolastique N., elle aussi sans-abri, vient du quartier Mutakura. Mère de deux enfants, elle explique vivre dans une grande détresse.
« Ma famille m’a rejetée. Quand je n’ai pas ma dose, je perds complètement le contrôle. Je prends de l’héroïne, et parfois, je suis obligée de voler pour trouver de quoi acheter la prochaine dose », confie-t-elle, les yeux cernés.
Comme d’autres, elle bénéficie de la méthadone. Mais ce traitement, bien qu’utile pour réduire la dépendance, est loin de répondre à tous leurs besoins.
« Prendre la méthadone le ventre vide, ça nous affaiblit encore plus »
Amandine, 32 ans, originaire de Ngagara, a commencé à se droguer à 15 ans, influencée par des fréquentations toxiques. Alice, qui vient de Buterere, a elle aussi plongé dans l’addiction à l’adolescence.
Elles sont aujourd’hui sous traitement, mais insistent sur un point crucial : la méthadone seule ne suffit pas.
« Nous dormons dans la rue, sans rien à manger. Prendre la méthadone sans nourriture nous rend encore plus faibles », expliquent-elles.
L’absence de logement, de nourriture et de perspectives professionnelles rend leur parcours de désintoxication extrêmement fragile.
Un appel à l’aide pour se reconstruire
Toutes ces femmes expriment le même besoin : un accompagnement global, au-delà du traitement médical. Elles demandent un accès au logement, à l’alimentation, aux soins, mais aussi à des activités génératrices de revenus. Elles veulent retrouver leur autonomie, leur dignité, leur rôle de mères et de citoyennes.
Elles appellent les autorités, les ONG et la société burundaise dans son ensemble à ne pas les abandonner.
« Il y a des gens qui nous montrent qu’une autre vie est possible », disent-elles, dans un rare moment d’espoir.
L’une d’elles lance un cri du cœur : « Nous ne voulons plus vivre dans la rue. Nous avons besoin d’une seconde chance. Aidez-nous à redevenir des femmes, des mères, des citoyennes. »
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Photo : Des femmes usagères de drogue sur un point de rencontre au jardin public, dans le centre-ville de Bujumbura. © SOS Médias Burundi