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Covid-19 : cinq ans après le déni, le retour du virus ravive les inquiétudes à Bujumbura

SOS Médias Burundi

Bujumbura,18 juin 2025 — Cinq ans après une gestion controversée du Covid-19, marquée par le déni des autorités et la mort suspecte de l’ancien président Pierre Nkurunziza, le virus semble refaire surface à Bujumbura. Le président de l’Assemblée nationale sonne l’alarme, alors que le ministère de la Santé reste muet. Une situation qui ravive les souvenirs douloureux de 2020, quand Denise Nkurunziza, alors Première dame, avait été évacuée en urgence à Nairobi, gravement atteinte par le virus, selon les informations recueillies par SOS Médias Burundi.

Ce mardi 17 juin, lors d’une séance de questions orales au Parlement, Daniel Gélase Ndabirabe a révélé que plusieurs hôpitaux de la capitale économique faisaient face à une recrudescence inquiétante de cas aux symptômes graves.

Prenant la parole dans l’hémicycle de Kigobe, il a livré un témoignage alarmant, nourri par ses propres observations dans certaines structures sanitaires de Bujumbura-la ville commerciale.

« Moi, j’ai traversé certains hôpitaux et on m’a dit que le Covid-19 est de retour. Les symptômes sont différents de ceux d’avant, ils aggravent rapidement l’état des patients. C’est très dangereux », a-t-il déclaré devant des députés partagés entre surprise et scepticisme.

Il a exhorté la population, et les élus en particulier, à appliquer des mesures d’hygiène strictes : lavage des mains, désinfection des lieux de travail, suppression des poignées de main.

« Soyons vigilants, cette pandémie n’est pas terminée. Chacun doit jouer son rôle », a insisté le président de l’Assemblée nationale.

Pourtant, aucun chiffre n’a été avancé, et le ministère de la Santé publique n’a toujours pas pris la parole. Ce silence dérange et rappelle aux Burundais un douloureux passé.

Retour en 2020 : le déni d’État

Le 31 mars 2020, le Burundi annonçait ses deux premiers cas de Covid-19, alors que la pandémie avait déjà touché la majorité des pays africains. Jusque-là, le régime de feu président Pierre Nkurunziza affirmait que le pays était épargné grâce à la protection divine.

« Le Burundi est sous la protection de Dieu », affirmaient alors plusieurs hauts responsables. Les églises restaient ouvertes, les rassemblements religieux se poursuivaient, et aucun confinement n’était envisagé.

Ce refus d’affronter la réalité s’expliquait aussi par un impératif politique : tenir coûte que coûte les élections de mai 2020, censées assurer la transition vers Évariste Ndayishimiye. Reconnaître l’épidémie aurait pu compromettre ce calendrier.

Le gouvernement a même expulsé quatre experts de l’OMS, accusés d’« ingérence », en mai 2020. Faute de dépistage massif et de plan sanitaire crédible, le pays est resté aveugle à l’évolution du virus.

Le décès de Nkurunziza et l’évacuation discrète de la Première dame

Le 8 juin 2020, Pierre Nkurunziza meurt officiellement d’un arrêt cardiaque. Mais des sources burundaises et internationales affirmaient qu’il avait contracté le Covid-19, une thèse jamais reconnue officiellement.

Selon les informations vérifiées par SOS Médias Burundi, son épouse, Denise Bucumi Nkurunziza, avait été évacuée en urgence vers Nairobi, au Kenya, dans un état critique après avoir été infectée par le virus. Cette évacuation, orchestrée en toute discrétion par une équipe médicale spécialisée, a permis de lui sauver la vie.

Son successeur, Évariste Ndayishimiye, avait alors rompu avec le déni en qualifiant le Covid-19 d’« ennemi numéro un ». Mais les mesures mises en œuvre sont restées limitées : pas de confinement, pas de stratégie vaccinale de masse, et toujours un discours religieux omniprésent.

Des signaux ignorés ?

Aujourd’hui, la déclaration de Ndabirabe survient dans un contexte trouble. Des médecins de Bujumbura signaleraient discrètement des cas graves de détresse respiratoire. Mais aucune autorité sanitaire n’a confirmé ces données. Et dans les rangs du pouvoir, la sortie du président de l’Assemblée divise.

« Si cette pandémie est vraiment de retour, il faut que le ministère de la Santé sorte du silence. On ne peut pas refaire les mêmes erreurs », a confié à SOS Médias Burundi un député du CNDD-FDD.

Un traumatisme collectif ravivé

L’ombre du déni plane à nouveau sur le Burundi. Face à l’absence de communication officielle, les rumeurs prennent le relais, entre inquiétudes populaires et critiques parlementaires. Et dans une société encore marquée par la perte brutale d’un président, les stigmates d’une gestion opaque ressurgissent.

Cinq ans après, le pays semble à nouveau hésiter entre vigilance et silence. Pour les Burundais, le Covid-19 n’est pas seulement une menace sanitaire : c’est un rappel brutal des conséquences du déni.

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Photo : un agent de santé effectue un test de dépistage du Covid-19 sur un habitant à Bujumbura. Le 17 juin 2025, le président de l’Assemblée nationale a alerté sur l’apparition d’une souche plus sévère du virus au Burundi, ravivant les inquiétudes sanitaires dans le pays. ©SOS Médias Burundi