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Camp de Nduta (Tanzanie) : l’avenir s’assombrit pour les réfugiés burundais réticents au retour

SOS Médias Burundi

Au camp de Nduta, dans l’ouest de la Tanzanie, plus de 58.000 réfugiés burundais vivent dans une incertitude grandissante. Malgré les appels répétés au retour volontaire, nombre d’entre eux refusent de rentrer. Entre pressions politiques, réduction drastique de l’aide humanitaire et climat de tension, leur avenir semble de plus en plus compromis.

La question du rapatriement a récemment été au cœur d’une rencontre entre les autorités de la province burundaise de Ruyigi et celles du district de Kibondo, en Tanzanie. À cette occasion, Agrey John Magwaza, chef du district de Kibondo, a exprimé sans détour sa frustration face à la réticence de certains réfugiés à rentrer.

« Certains savent pertinemment que la paix est rétablie au Burundi, mais refusent tout de même de rentrer », a-t-il dénoncé, pointant ce qu’il perçoit comme une mauvaise foi de leur part.

Selon lui, plusieurs réfugiés mèneraient une « double vie » : certains possèderaient encore des terres au Burundi, s’y rendraient discrètement pour des événements familiaux, ou exerceraient des activités économiques dans les environs du camp.

« Il y a des gens ici qui vivent comme s’ils n’étaient pas des réfugiés », s’est-il indigné.

Un climat tendu au sein du camp

La situation s’est tendue ces dernières semaines dans le camp de Nduta. Une mission de sensibilisation conduite en avril par une délégation du ministère burundais de l’Intérieur a été mal accueillie. Les membres de la délégation ont été conspués et menacés verbalement.

La tension a atteint son paroxysme dans la nuit du 14 au 15 avril, lorsqu’un mouvement de protestation a éclaté. Les autorités tanzaniennes n’hésitent pas à parler de « soulèvement ».

« Les réfugiés doivent comprendre que leur présence ne peut se faire en marge des lois tanzaniennes », a averti M. Magwaza, soulignant que tout acte de violence sera désormais réprimé avec fermeté.

Une réfugiée burundaise dans un champ en dehors du camp de Nduta, dans le nord-ouest de la Tanzanie © SOS Médias Burundi

Retrait des ONG : une aide en chute libre

Parallèlement, les conditions de vie des réfugiés se dégradent rapidement. Plusieurs organisations humanitaires, dont Jesuit Refugee Service (JRS) et Save the Children, annoncent leur retrait imminent, invoquant un manque de financements.

« Il ne reste que deux mois de salaires pour les enseignants », a alerté M. Magwaza.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) prévoit quant à lui de réduire de moitié les rations alimentaires distribuées dans le camp. Un coup dur pour une population encore très dépendante de cette assistance.

Les ONG internationales assuraient jusqu’à 70 % des services essentiels dans le camp, notamment en matière d’éducation, de santé et d’alimentation. Leur départ laisse planer le spectre d’un effondrement des conditions de vie pour des milliers de familles.

Appels au retour, mais méfiance persistante

Les autorités burundaises, pour leur part, assurent que le pays est prêt à accueillir ses ressortissants dans des conditions dignes. La gouverneure de Ruyigi, Émerencienne Tabu, a tenu un discours rassurant à l’issue de la rencontre avec la partie tanzanienne.

« Le Burundi est prêt à accueillir ses enfants à bras ouverts. Nous les invitons à revenir contribuer à la reconstruction de la nation », a-t-elle déclaré.

Mais sur le terrain, la méfiance est tenace. Les réfugiés évoquent les violences qui les ont poussés à fuir, la crainte de représailles, et leur manque de confiance envers les institutions burundaises. Beaucoup redoutent de ne pas pouvoir se réintégrer dignement, après près de dix ans d’exil.

Une situation de plus en plus intenable

Face à l’hostilité grandissante, à la chute de l’aide humanitaire et à la fermeté croissante des autorités tanzaniennes, les réfugiés de Nduta se retrouvent dans une impasse.

Le camp, qui accueille une majorité de personnes ayant fui la crise déclenchée en 2015 par la décision controversée de feu président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat, symbolise aujourd’hui les dilemmes non résolus du retour et de la réconciliation.

L’équilibre déjà fragile sur lequel repose leur présence est désormais menacé, faisant planer une incertitude pesante sur le sort de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants.

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Photo : Un réfugié burundais devant sa maison au camp de Nduta, dans l’ouest de la Tanzanie © SOS Médias Burundi