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Burundi : Ndayishimiye défend la victoire du CNDD-FDD et enjoint les opposants à prouver les fraudes

SOS Médias Burundi

Alors que les résultats des élections du 5 juin continuent de susciter de vives contestations, le président Évariste Ndayishimiye est monté au créneau pour défendre la victoire de son parti, le CNDD-FDD. Depuis Gitega, il a exhorté les formations politiques à documenter rigoureusement toute allégation de fraude et promis des sanctions contre les responsables, tout en revendiquant une posture d’arbitre. Une posture qui divise.

Le président Ndayishimiye s’est exprimé samedi depuis le Palais présidentiel de Gitega, au cœur d’un climat politique tendu. Face aux critiques croissantes sur le déroulement des scrutins législatifs et communaux, il a fermement défendu la légitimité de la victoire écrasante du CNDD-FDD, appelant les partis d’opposition à produire des preuves tangibles des irrégularités alléguées.

« Je suis choqué que certains leaders politiques préfèrent attendre les caméras et les micros pour parler des fraudes, au lieu d’agir immédiatement au moment des faits », a-t-il déclaré.

Il a invité les partis à transmettre leurs preuves, commune par commune et bureau par bureau, pour que la justice — y compris la Cour constitutionnelle — puisse statuer.

Un président à la fois juge et partie ?

Malgré son implication active dans la campagne électorale au profit du CNDD-FDD, le président se présente désormais comme garant de la transparence. Il affirme ne pas exclure une reprise du scrutin dans certaines circonscriptions si des fraudes massives sont confirmées.

« Les membres de la CENI impliqués dans des irrégularités seront sanctionnés », a-t-il averti.

Mais cette annonce a suscité des réserves dans les milieux juridiques. En effet, le chef de l’État ne dispose pas de l’autorité légale pour sanctionner la Commission électorale nationale indépendante ou pour corriger les irrégularités électorales, des compétences dévolues à la seule Cour constitutionnelle, selon plusieurs analystes.

Un journaliste burundais, sous couvert d’anonymat, s’interroge :

« En procédant à l’ouverture officielle des élections, alors qu’il n’en a pas le mandat constitutionnel, et en multipliant les prises de parole sur le processus électoral, Évariste Ndayishimiye se substitue aux institutions compétentes. Ce n’est même pas une présidentielle où il pourrait parler en tant que candidat. »

Une légitimité revendiquée

Le président a rejeté les accusations de dérive autoritaire et assuré que le score obtenu par le CNDD-FDD ne traduisait pas une volonté d’instaurer un régime de parti unique.

« Même avant ces élections, notre parti détenait déjà la majorité au Parlement. Ce qui importe, c’est la bonne gouvernance, la transparence et le respect des droits humains », a-t-il soutenu.

Face aux préoccupations exprimées par la société civile et certains partenaires internationaux, Ndayishimiye a été catégorique :

« On ne peut aller à l’encontre de la volonté populaire. Le peuple a voté massivement pour le CNDD-FDD. »

Des irrégularités bien documentées, mais tardivement dénoncées

Plusieurs formations politiques — dont l’Uprona, le CDP, la coalition Burundi Bwa Bose, un candidat indépendant — ainsi que l’Église catholique, qui avait déployé des observateurs dans plus de 2 400 bureaux de vote, ont dénoncé une série d’irrégularités : bourrages d’urnes, votes multiples sans procuration, présence de personnes non autorisées dans les bureaux, ou encore démarrage prématuré des opérations de vote.

Le président s’est étonné de la tardiveté de ces dénonciations :

« Pourquoi ne pas avoir réagi sur-le-champ ? »

Pour certains analystes, la vigueur de la réaction présidentielle confirme l’impact du communiqué de la Conférence des évêques catholiques du Burundi, qui s’est montré particulièrement critique envers le déroulement du scrutin.

Justice électorale ou stratégie de diversion ?

Malgré les appels à la transparence, le message du président peine à convaincre. Il affirme néanmoins croire en l’intégrité des institutions :

« Le Burundi a encore des hommes intègres capables de faire prévaloir la justice », a-t-il déclaré, encourageant les plaignants à saisir les instances compétentes dans les délais impartis.

Le climat postélectoral reste marqué par la méfiance. L’opposition craint que les appels à la justice ne soient qu’un écran de fumée, alors que le CNDD-FDD concentre désormais l’ensemble des sièges à l’Assemblée nationale, selon les chiffres proclamés par la CENI. Une première dans l’histoire du Burundi depuis la mise en place du multipartisme.

Ce résultat conforte la domination du CNDD-FDD, ex-rébellion hutu devenue parti majoritaire après les accords de paix d’Arusha en 2000, qui mirent fin à une guerre civile ayant coûté la vie à plus de 300 000 personnes, selon l’ONU. Si la CENI assure que le scrutin s’est déroulé dans la transparence, l’opposition, elle, continue de crier au vol.

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Photo : Évariste Ndayishimiye lors du congrès qui l’a choisi comme candidat du CNDD-FDD à Gitega, le 26 janvier 2020 © SOS Médias Burundi