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Élections communales et législatives au Burundi : la CNIDH évoque un scrutin « globalement satisfaisant », l’opposition crie à la mascarade

SOS Médias Burundi

La Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH) a salué mardi le déroulement des élections communales et législatives tenues le 5 juin dernier. Dans une déclaration publique lue par son vice-président, Gérard Rugemintwaza, l’institution — qui avait déployé des observateurs à travers tout le pays — qualifie le scrutin de « globalement satisfaisant » et « apaisé », estimant qu’il s’est déroulé dans le respect des normes démocratiques.

La CNIDH se félicite notamment de la forte participation des électeurs, de la stabilité sécuritaire qui a prévalu et du professionnalisme des forces de l’ordre, qu’elle juge avoir encadré les opérations de vote sans incidents majeurs. Elle admet néanmoins l’existence de quelques « irrégularités isolées », telles que des retards dans l’ouverture de certains bureaux, des problèmes logistiques ou encore l’absence de représentants de partis dans plusieurs centres. Selon elle, ces irrégularités n’auraient toutefois pas entaché la crédibilité globale du processus électoral.

Par ailleurs, la Commission met en avant « l’effort d’inclusion des personnes vulnérables » et affirme n’avoir enregistré aucun acte grave, comme des violences, des cas de torture ou de disparitions forcées.

Un autre visage du scrutin : intimidations, fraudes et exclusions

Mais ce tableau relativement positif dressé par la CNIDH est loin de faire l’unanimité. De nombreux témoignages recueillis par SOS Médias Burundi révèlent une réalité beaucoup plus sombre, marquée par des irrégularités graves dans presque toutes les provinces du pays : Bururi, Cibitoke, Muyinga, Rutana, Bubanza, Makamba, Karusi, Gitega, Ngozi, Kayanza, Rumonge, Bujumbura, Kirundo, Cankuzo et Ruyigi.

« À Bururi, des Imbonerakure patrouillaient autour des bureaux de vote. Ils filmaient les électeurs et intimidaient ceux qu’ils soupçonnaient de ne pas voter pour le CNDD-FDD », rapporte un observateur indépendant.

À Muyinga, une électrice affirme avoir vu un homme voter à plusieurs reprises à l’aide de différentes cartes d’électeur — une pratique également signalée dans la province de Rutana.

Des candidats issus du Conseil National pour la Liberté (CNL) et de l’UPRONA dénoncent quant à eux l’éviction systématique de leurs mandataires dans plusieurs bureaux de vote, souvent sous la menace directe de jeunes affiliés au parti au pouvoir.

« C’est un hold-up électoral. Nos représentants ont été expulsés, les procès-verbaux manipulés, et des bourrages d’urnes ont été rapportés jusqu’aux zones rurales les plus reculées », accuse un cadre du CNL dans la future province de Buhumuza.

Dans plusieurs localités, des témoins affirment que des éléments des forces armées et de la police ont été mobilisés pour empêcher l’opposition de suivre le dépouillement. À Cibitoke, des urnes auraient été escortées par des hommes armés vers des destinations inconnues, sans supervision officielle de la Commission électorale nationale indépendante (CENI).

Méfiance croissante envers la CNIDH

Malgré la gravité des accusations, la CNIDH ne fait état d’aucune enquête spécifique en cours. Elle en appelle à la préservation de la paix et exhorte la CENI à garantir la transparence du processus électoral.

Cependant, plusieurs organisations de la société civile perçoivent cette prise de position comme « complaisante » et déconnectée des réalités vécues sur le terrain.

« Saluer un scrutin sans s’être rendue dans les zones les plus sensibles soulève des interrogations », déclare un défenseur des droits humains.
« Cela donne l’impression d’une validation politique anticipée. »

Alors que la CNIDH appelle à l’apaisement, les critiques se multiplient, accentuant la méfiance d’une partie de la population envers les institutions censées garantir la régularité et l’impartialité du processus démocratique.

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Photo : Gérard Rugemintwaza, vice-président de la CNIDH, lisant la déclaration de l’institution dans la capitale économique Bujumbura. La Commission en charge des droits humains a dressé un bilan largement positif du scrutin du 5 juin © SOS Médias Burundi