Burunga : de lourdes accusations de fraude électorale visent la CEPI et le CNDD-FDD

SOS Médias Burundi
À peine les résultats des élections proclamés dans la province de Burunga (sud-est du Burundi), une polémique de grande ampleur éclate autour du processus électoral. Plusieurs partis d’opposition et leurs alliances locales dénoncent une mascarade électorale orchestrée au profit du CNDD-FDD, le parti au pouvoir, avec la complicité présumée de la Commission Électorale Provinciale Indépendante (CEPI)
Selon ces formations politiques, la CEPI aurait mis en place un système de fraude méthodique. L’opposition accuse l’organe électoral provincial d’avoir délibérément empêché la désignation de ses représentants dans les bureaux de vote et de n’avoir jamais publié la liste officielle des membres accrédités, en violation des règles de transparence.
Des superviseurs partisans et des urnes déjà remplies
Le jour du scrutin, plusieurs observateurs affirment avoir constaté que la majorité écrasante des superviseurs électoraux étaient des membres actifs des Imbonerakure, la ligue des jeunes du CNDD-FDD. Certains seraient même des fonctionnaires, leurs conjoints, ou encore des candidats eux-mêmes issus du parti présidentiel. En outre, des suppléants figurant sur les listes auraient, en réalité, tenu les rôles de surveillance, allant jusqu’à remplir les urnes et à intimider les électeurs.
Des témoignages recueillis sur place rapportent des scènes de bourrages d’urnes au profit du CNDD-FDD, parfois avant même la clôture du vote. Plusieurs représentants de partis d’opposition ont été expulsés des bureaux de vote pour « retards » ou sur la base d’accusations jugées fallacieuses, les empêchant ainsi d’assister au dépouillement.
Une victoire sans liesse, même dans le camp vainqueur
Fait inédit, la victoire du CNDD-FDD dans toutes les communes de la province n’a suscité ni célébration ni euphorie dans ses propres rangs.
« Personne n’a manifesté sa joie, ni dans les quartiers, ni dans les buvettes comme autrefois. On dirait une victoire imposée d’en haut », confie un militant local du parti.
« Même nous, nous ne savons plus quoi répondre aux critiques », ajoute un autre, visiblement mal à l’aise.
Ce climat de silence et de malaise, selon plusieurs observateurs, serait le signe d’un désenchantement croissant, y compris parmi les partisans du CNDD-FDD.
Des voix critiques au sein du CNDD-FDD
Certains sympathisants du parti présidentiel n’hésitent plus à parler de « fraude grotesque ». La composition d’un conseil communal 100 % monocolore suscite l’inquiétude, notamment dans un contexte de pauvreté persistante et de tensions sociales. Des critiques internes émergent, interrogeant la légitimité de cette victoire écrasante et l’absence totale d’équilibre politique.
La CEPI de Burunga sous le feu des critiques
Face à ces accusations, le président de la CEPI-Burunga, Philemon Nahabandi, a tenté de défendre le processus électoral. Il affirme que « plusieurs observateurs sont arrivés en retard ou n’ont pas signé les procès-verbaux », sans pour autant répondre de manière précise aux griefs. Les partis contestataires exigent, quant à eux, la publication immédiate des noms des membres des bureaux de vote, afin de démontrer les liens présumés avec le CNDD-FDD.
Un président controversé à la tête de la CEPI
Philemon Nahabandi, nommé à la tête de la CEPI en 2020 sous l’étiquette de l’Église Pentecôte, traîne un passé judiciaire lourd. En 2015, il avait été emprisonné pour fraude électorale : il aurait contraint des élèves à voter pour le CNDD-FDD et détenait illégalement des cartes d’électeurs. Accusé de faire le grand écart entre religion et politique, sa reconduction à la tête de la CEPI est perçue comme une récompense politique plutôt que comme un choix neutre.
Un schéma national de contrôle électoral ?
Le cas de Burunga pourrait s’inscrire dans une stratégie plus large. Selon plusieurs sources, le CNDD-FDD placerait ses membres au sein des organes électoraux, souvent sous couvert d’associations ou d’institutions religieuses. Une méthode qui permettrait de maintenir une emprise totale sur le processus électoral tout en donnant une apparence de pluralisme.
« Même les enfants ici apprennent que la fraude est une manière normale d’accéder au pouvoir », déplore un enseignant, sous couvert d’anonymat.
Un scrutin aux résultats contestés
Malgré l’annonce officielle d’une victoire sans appel du CNDD-FDD dans toutes les communes de la province, le scrutin laisse un goût amer. Le manque de transparence de la CEPI, les irrégularités documentées et l’absence d’enthousiasme dans les rangs du parti présidentiel jettent un doute profond sur la légitimité du processus.
Dans un contexte de crise sociale aiguë, ces élections pourraient bien accentuer la défiance croissante des citoyens envers les institutions démocratiques burundaises.
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Photo : Des représentants locaux du CNDD-FDD sur un centre de vote. Des responsables du parti au pouvoir et des autorités administratives sont soupçonnés d’avoir influencé le vote lors des élections du 5 juin 2025 © SOS Médias Burundi