Terreur au camp de Nakivale : des albinos traqués, une mère et ses enfants portés disparus

SOS Médias Burundi
Un climat de terreur s’installe au camp de réfugiés de Nakivale, dans le district d’Isingiro, au sud-ouest de l’Ouganda. La communauté albinos, déjà marginalisée et vulnérable, est en état de choc après la disparition inquiétante d’une réfugiée burundaise albinos, Gloriose, et de deux de ses enfants. Cette affaire ravive de douloureux souvenirs, dans une région où les violences motivées par des croyances superstitieuses n’ont jamais totalement disparu.
Gloriose résidait dans le village de Kashojwa B, à l’intérieur du camp. Elle aurait quitté son domicile le mois dernier avec ses trois enfants. Depuis, plus aucune trace d’elle ni de deux de ses enfants. Seul l’aîné, un garçon d’environ huit ans, est réapparu récemment, en compagnie d’une femme. Selon un leader communautaire, l’enfant semblait désorienté :
« Le gamin ne reconnaissait plus la maison familiale. Il est venu avec une femme, et c’est en voyant son père et des voisins qu’il a raconté une scène bouleversante : il aurait vu sa mère tuée par des inconnus. Mais il est incapable d’indiquer l’endroit où cela s’est passé. »
Les autorités ont immédiatement lancé une enquête. La femme ayant ramené l’enfant a été arrêtée. D’après une source policière, ses propos sont jugés contradictoires, ce qui a motivé sa mise en détention provisoire.
Le deuxième suspect n’est autre que le mari de la disparue. Bien qu’il ne soit pas atteint d’albinisme, il n’a signalé à aucun moment la disparition de sa femme et de ses enfants – ni aux autorités du camp, ni à la police, ni aux ONG présentes sur place. Un silence qui intrigue, d’autant que plusieurs voisins rapportent des tensions récurrentes dans le couple :
« Nous étions souvent obligés d’intervenir pour calmer leurs disputes », témoignent-ils.
Les deux suspects sont actuellement détenus à la prison centrale de Kabingo, dans le district d’Isingiro.
L’ONG Alight, engagée dans la défense des personnes vulnérables, dont celles atteintes d’albinisme, collabore étroitement avec la police pour faire toute la lumière sur cette affaire. Pour les membres de la petite communauté albinos du camp, forte d’environ 50 personnes regroupées dans un même secteur, l’angoisse est palpable.
« Nous vivons dans la terreur. Cela nous rappelle les périodes noires où des albinos étaient pourchassés et tués », confie un habitant.
Par peur d’être ciblés, plusieurs refusent désormais de quitter la zone sécurisée du camp et réclament une protection spéciale.
Ce drame n’est pas isolé. En Ouganda, des personnes atteintes d’albinisme, y compris parmi les réfugiés, ont été assassinées ces dernières années dans des circonstances similaires. Selon plusieurs enquêtes, ces crimes seraient liés à des croyances occultes : les organes d’albinos seraient utilisés dans des rituels de sorcellerie censés porter chance ou richesse.
Le camp de Nakivale accueille actuellement plus de 150 000 réfugiés, dont plus de 33 000 Burundais. Dans cet espace surpeuplé, les personnes albinos vivent dans une insécurité permanente, cibles potentielles de pratiques barbares justifiées par des superstitions persistantes.
Appel urgent à la protection des personnes albinos
Face à la recrudescence de ces violences ciblées, les autorités ougandaises et les agences humanitaires doivent impérativement renforcer les dispositifs de sécurité dans le camp de Nakivale. Les personnes atteintes d’albinisme doivent bénéficier d’une protection spécifique, mais aussi d’un soutien psychosocial pour faire face au traumatisme. Il y va de leur dignité, de leur sécurité, et de leur droit fondamental à vivre sans peur.
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Photo : Des réfugiés composés par des enfants-albinos pour la plupart, dans une fête organisée par l’ONG Hope Training Center à Nakivale, le 23 décembre 2024 © SOS Médias Burundi