Derniers articles

Lac Tanganyika : un trésor menacé par l’inaction locale

SOS Médias Burundi

Le lac Tanganyika, l’un des plus grands lacs d’eau douce au monde, fait l’objet d’une coopération exemplaire entre le Burundi, la République Démocratique du Congo, la Tanzanie et la Zambie à travers l’Autorité du Lac Tanganyika (ALT). Pourtant, malgré cet engagement régional, la situation sur les rives burundaises suscite l’inquiétude. Pollution croissante, extraction anarchique et passivité des autorités compromettent gravement l’avenir de cet écosystème unique, alerte l’organisation internationale Basket Fund.

Créée en 2008, l’ALT est chargée de coordonner la mise en œuvre de la Convention sur la gestion durable du lac Tanganyika. Basée à Bujumbura, elle œuvre à harmoniser les stratégies des quatre pays riverains : élaboration d’études thématiques, plans d’action conjoints, réglementations partagées et mobilisation de financements internationaux.

Dans cette dynamique, un projet quinquennal ambitieux a été lancé le 26 février 2025. Il vise à renforcer la conservation de la biodiversité, à améliorer la gestion durable des ressources halieutiques et à restaurer les zones dégradées du littoral.

Un écosystème d’une richesse exceptionnelle, mais en sursis

Le lac Tanganyika abrite plus de 250 espèces de poissons, dont plusieurs sont endémiques, comme le Mukeke (Lates stappersii) ou les petits poissons Ndagala, essentiels à la sécurité alimentaire des populations locales.

Mais cette biodiversité est aujourd’hui menacée. Selon le Basket Fund, « la pollution du lac compromet non seulement l’équilibre des écosystèmes, mais aussi l’approvisionnement en eau potable de millions de riverains. »
Un biologiste burundais résume la situation ainsi : « La turbidité augmente, l’oxygène diminue, et cela étouffe la vie aquatique. »

Des menaces bien identifiées, mais peu combattues

Les dangers sont multiples et documentés :

  • Extraction anarchique : De nombreuses carrières de sable et de graviers, notamment dans les provinces de Rumonge et Nyanza-Lac, opèrent sans autorisation ni contrôle, aggravant l’érosion des rives et la déstabilisation des sols.
  • Pollution et sédimentation : Les déchets domestiques, les ruissellements agricoles et les sédiments transportés par les rivières altèrent la qualité de l’eau et détruisent les habitats naturels des poissons.
  • Défaillance réglementaire : Le manque d’intervention des autorités burundaises face à ces pratiques illégales est pointé du doigt. Aucune mesure concrète n’a été observée pour freiner ces activités destructrices.

Le Basket Fund dénonce un laxisme administratif qu’il juge coupable, estimant que cette passivité accélère le risque d’un effondrement écologique.

Des répercussions directes sur les populations

Les conséquences de cette dégradation ne sont pas abstraites : elles affectent déjà la vie quotidienne de nombreuses communautés riveraines.

  1. Effondrement de la biodiversité : La disparition progressive de certaines espèces de poissons met en péril la pêche traditionnelle, pilier économique et alimentaire local.
  2. Qualité de l’eau compromise : La dégradation des eaux du lac limite l’accès à une source essentielle d’eau potable.
  3. Développement en berne : La pêche artisanale décline, et le potentiel du transport lacustre reste largement sous-exploité faute d’infrastructures durables.

Ce que recommande le Basket Fund

Pour inverser la tendance, le Basket Fund formule plusieurs recommandations :

  • Instaurer une surveillance active des activités d’extraction et des sources de pollution.
  • Appliquer rigoureusement les réglementations adoptées dans le cadre de l’ALT, en prévoyant des sanctions dissuasives.
  • Impliquer les communautés locales dans la protection et la gestion durable du littoral.
  • Renforcer les capacités nationales, tant humaines que financières, pour une gouvernance environnementale efficace au niveau local.

Un modèle de coopération qui ne suffit pas sans volonté politique locale

Le partenariat autour du lac Tanganyika constitue un exemple de diplomatie environnementale réussie. Mais, comme le souligne le Basket Fund, cette coopération ne portera ses fruits que si elle se traduit par des actions concrètes au niveau national.

Le Burundi doit agir sans délai. L’écosystème est menacé, tout comme les moyens de subsistance des populations et leur accès à l’eau potable. Il en va de l’avenir du lac Tanganyika.

Plus qu’un plan d’action, c’est une mobilisation urgente et coordonnée que requiert cette situation. Car le lac Tanganyika, ce n’est pas seulement une étendue d’eau : c’est une vie qu’il faut préserver.

_______________________________________________

Photo : Des passagers affrontent avec peine la route Bujumbura-Uvira, partiellement engloutie par les eaux du lac Tanganyika © SOS Médias Burundi