Burundi : à Cibitoke, des Imbonerakure armés ont instauré un climat de peur avant les élections
SOS Médias Burundi
Enquête – À quelques jours des élections législatives et communales du 5 juin, la province de Cibitoke, dans le nord-ouest du Burundi, a été le théâtre d’une inquiétante opération de distribution d’armes. Selon plusieurs témoignages recueillis par SOS Médias Burundi, des fusils ont été remis dans la plus grande discrétion à des jeunes membres des Imbonerakure, la ligue de jeunesse du CNDD-FDD, le parti au pouvoir. Objectif présumé : intimider les opposants.
Les semaines précédant le scrutin ont été marquées par une montée progressive des tensions. Des sources sécuritaires et locales ont fait état d’une circulation inhabituelle d’armes à feu. Celles-ci auraient été distribuées dans les six communes de la province, à raison d’une dizaine par commune en moyenne. Il s’agirait essentiellement de fusils de type Kalachnikov.
« Plus de 100 armes auraient été remises à de jeunes militants ayant récemment suivi une formation militaire mêlant cours théoriques et tactiques de combat », indique une source proche du dossier.
Un jeune Imbonerakure, interrogé sous couvert d’anonymat, confirme la distribution :
« Les premières armes ont été remises le mardi 20 mai, vers 23 heures, notamment au stade de Buganda et au siège provincial du parti, encore en chantier. » Il ajoute que d’autres vagues de distribution étaient prévues, incluant des armes de différents calibres.
Cependant, cette militarisation de la jeunesse du parti présidentiel ne faisait pas l’unanimité au sein même des Imbonerakure. Certains redoutaient des dérives incontrôlées : vols, règlements de comptes ou encore assassinats facilités par la possession illégale d’armes à feu.
Des témoins affirment avoir vu des véhicules de l’armée et des responsables administratifs locaux transporter les armes, souvent de nuit. Face à cette situation tendue, plusieurs militants du principal parti d’opposition, le Conseil National pour la Liberté (CNL), ont préféré fuir vers les pays voisins.
Les sympathisants d’autres partis, notamment ceux de la coalition Burundi Bwa Bose, du Frodebu, de l’Uprona ou d’autres formations de l’opposition, vivaient quant à eux dans une peur constante. Les menaces étaient devenues quotidiennes.
Contacté par SOS Médias Burundi, le responsable provincial de la jeunesse du CNDD-FDD pour la nouvelle province de Bujumbura a catégoriquement nié les faits. Il a qualifié ces accusations de « mensongères » et affirmé que la circulation des véhicules, de jour comme de nuit, relevait d’un droit fondamental. Il s’est refusé à tout commentaire sur les soupçons d’intimidation.
Le jour du vote, le 5 juin, les élections se sont déroulées dans une atmosphère lourde. Tous les partis politiques — y compris certains alliés du CNDD-FDD — ont dénoncé des fraudes massives et systématiques.
À Cibitoke, les armes ont circulé, les opposants ont fui, et l’espoir d’un scrutin libre et transparent s’est étiolé un peu plus chaque jour.
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Photo : Des Imbonerakure en parade militaire à Cibitoke, dans le nord-ouest du Burundi. En mai 2025, ils ont été accusés de violences ciblées contre des opposants et soupçonnés de détenir illégalement des armes à feu © SOS Médias Burundi
