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Burundi – Scrutin du 5 juin : pressions sur WhatsApp pour assurer la victoire du CNDD-FDD

SOS Médias Burundi

À l’occasion des élections législatives et communales de ce 5 juin, des messages circulant dans des groupes WhatsApp révèlent des consignes de vote émanant de représentants collinaires proches du parti au pouvoir. Ces pratiques, jugées inquiétantes par l’opposition, soulèvent des doutes sur la transparence du scrutin.

Alors que les Burundais se rendent aux urnes ce jeudi 5 juin pour élire leurs représentants au niveau législatif et communal, de vives préoccupations émergent concernant des pressions exercées en ligne par des représentants collinaires du CNDD-FDD. Selon plusieurs témoignages, ces derniers auraient utilisé des groupes WhatsApp pour inciter les chefs de bureaux de vote — souvent issus ou proches du parti au pouvoir — à influencer les électeurs dans le but d’assurer une victoire écrasante du CNDD-FDD.

Des messages partagés dans ces groupes numériques, consultés par plusieurs sources, évoquent une « compétition entre collines ». Ils enjoignent les responsables locaux à « faire leurs preuves » en mobilisant un maximum de voix en faveur du parti présidentiel. Certains messages vont plus loin, appelant explicitement à « guider » les électeurs dans les centres de vote et à « corriger les hésitations » dans l’isoloir.

« Ces consignes circulent dans des groupes privés. On demande aux chefs de bureaux de vote d’orienter les citoyens vers le bon choix », confie, sous anonymat, un représentant collinaire joint par SOS Médias Burundi.

Le gouvernement contraint à reconnaître des dérapages

Fait inhabituel en pleine période électorale, le ministre de l’Intérieur, Martin Niteretse, a reconnu l’implication de certains militants du CNDD-FDD dans des actes de violence liés au scrutin. Lors d’un point de presse tenu à Bujumbura la veille de l’élection, il a confirmé que plusieurs représentants collinaires avaient été arrêtés pour leur rôle dans des intimidations signalées dans plusieurs provinces.

« Nous ne tolérerons aucun débordement, même de la part de ceux qui se réclament du parti au pouvoir », a-t-il déclaré.

Cette reconnaissance officielle, rare dans un tel contexte, vient renforcer les alertes lancées depuis plusieurs semaines par des partis d’opposition et des organisations de la société civile sur le climat de méfiance qui entoure ces élections.

Une stratégie jugée systémique par l’opposition

Pour les opposants, ces pressions numériques ne relèvent en rien d’initiatives isolées. Elles seraient au contraire le reflet d’une stratégie bien huilée de contrôle du processus électoral à la base, notamment dans les zones rurales où l’emprise du CNDD-FDD reste dominante.

« Quand les chefs collinaires, les agents des bureaux de vote et les forces de sécurité sont tous alignés derrière un seul parti, il est illusoire de croire à des élections libres », déplore un cadre du Congrès National pour la Liberté (CNL) basé à Ngozi, dans le nord du pays.

Plusieurs partis politiques appellent la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), ainsi que les observateurs nationaux et internationaux, à réagir sans tarder face à ces dérives.

En ce jour d’élections, l’atmosphère dans certaines régions du pays est marquée par un sentiment de verrouillage du scrutin, entre intimidations physiques sur le terrain et stratégies numériques souterraines, mais redoutablement efficaces.

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Photo : Un membre des forces de l’ordre s’apprête à voter sur une colline reculée du Burundi, lors des élections de mai 2020 © SOS Médias Burundi