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Burundi – Élections législatives et communales du 5 juin : violences, irrégularités, intimidations et un décès signalé dans le sud

SOS Médias Burundi

Plusieurs témoignages font état d’arrestations, d’irrégularités, d’intimidations, de fraudes électorales, ainsi que d’un décès inexpliqué. Bien que les autorités n’aient pas encore officiellement réagi, ces informations méritent une attention particulière dans un contexte électoral sensible

Les élections législatives et communales qui se sont tenues ce jeudi 5 juin dans la future province de Burunga ont été marquées par de graves incidents : arrestations, fraudes, menaces, intimidations et un décès mystérieux. Selon plusieurs témoignages recueillis par SOS Médias Burundi, ces élections, censées refléter la volonté populaire, ont été fortement perturbées par la mainmise du CNDD-FDD, le parti au pouvoir, et par l’implication active de sa ligue des jeunes, les Imbonerakure.

Arrestation d’un cadre de l’UPRONA à Giharo

Dans la commune de Giharo, en province de Rutana, un responsable local du parti UPRONA a été interpellé par la police dans l’après-midi. Quelques heures plus tôt, il avait publiquement dénoncé plusieurs irrégularités constatées dans les bureaux de vote.

« Il a contesté l’utilisation de procurations douteuses et l’accès restreint des mandataires de l’opposition. Peu après, il a été arrêté pour des raisons encore floues », témoigne un habitant de la zone Muzye.

« Il avait osé interpeller les membres de la Commission électorale communale indépendante (CECI) sur la transparence du processus. Apparemment, cela n’a pas plu », ajoute un autre témoin.

Une source administrative confirme sa détention :

« Il est actuellement retenu à la brigade de Giharo. On lui reproche d’avoir perturbé le bon déroulement des opérations électorales. »

Décès d’une observatrice électorale à Makamba

Un drame est survenu à Makamba : Éméline, épouse du président de la Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH) et observatrice électorale, a été retrouvée morte à son poste d’observation dans des circonstances encore inconnues.

« Elle a été retrouvée sans vie. Les causes du décès restent à déterminer », confie un agent de la Commission électorale.

« Elle semblait pourtant en bonne santé ce matin. Sa mort a bouleversé tout le personnel », témoigne une collègue.

Intimidations, fraudes et climat de peur

Plusieurs témoignages recueillis dans la province font état d’un climat tendu, caractérisé par des intimidations, des fraudes massives et une forte pression sur les électeurs.

« Des élèves ont été contraints de voter pour le parti au pouvoir, y compris ceux qui n’étaient pas inscrits », raconte un enseignant d’un établissement secondaire.

« Dans mon centre, certains jeunes craignaient de ne pas recevoir leurs résultats scolaires s’ils refusaient de voter pour le CNDD-FDD », témoigne un élève de 17 ans.

Des cas d’usage abusif de procurations ont également été signalés :

« Des chefs de colline sont venus avec des dizaines de procurations. Personne ne vérifiait leur authenticité. Ils remplissaient les bulletins à la place des absents », dénonce un mandataire du parti CNL.

Rôle des Imbonerakure et évictions dans les bureaux

Dans plusieurs centres de vote, des témoins ont rapporté une présence marquée des Imbonerakure, soupçonnés d’avoir surveillé les électeurs et exercé des pressions.

« Ils géraient les files, observaient les bulletins, et faisaient pression sur certains votants. Cela a instauré un climat de peur », affirme un observateur.

« Une femme a tenté de voter pour le parti de son choix, mais un Imbonerakure a voulu regarder son bulletin. Elle a quitté le centre sans voter », raconte une militante de l’UPRONA.

Dans d’autres localités, des accrochages verbaux ont éclaté entre militants de l’opposition et partisans du CNDD-FDD. Plusieurs mandataires de l’opposition ont été expulsés ou empêchés d’assister au dépouillement.

« On m’a chassé alors que j’étais dûment accrédité. Le président du bureau m’a dit qu’il obéissait à des ordres », affirme un représentant du Sahwanya Frodebu.

Appels à la transparence et aux enquêtes

Pour de nombreux observateurs indépendants et habitants, ces élections locales se sont déroulées dans un contexte biaisé, loin des standards démocratiques.

« Ce scrutin était censé refléter la volonté du peuple. En réalité, il révèle un système verrouillé par un parti dominant », analyse un politologue basé à Bujumbura.

« Nous exigeons des enquêtes indépendantes et des sanctions contre les responsables de ces abus », déclare un défenseur des droits humains à Makamba.

Alors que les premiers résultats commencent à filtrer, les autorités n’ont pas encore réagi officiellement aux nombreux incidents signalés. Plusieurs ONG locales appellent à la transparence, à la protection des témoins et au respect des droits des membres des partis d’opposition.

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Photo : Des électeurs font la queue devant un bureau de vote dans le sud du Burundi, lors des élections législatives et communales, le 5 juin 2025 © SOS Médias Burundi