Un cultivateur retrouvé mort près de la Rusizi : des soupçons d’un meurtre étouffé

SOS Médias Burundi
Le corps d’un agriculteur porté disparu depuis plus d’une semaine a été découvert en état de décomposition avancée près de la frontière burundo-congolaise. Tandis que les autorités évoquent un simple décès, des voix s’élèvent pour dénoncer un meurtre camouflé, possiblement lié à un réseau de contrebande impliquant des jeunes proches du pouvoir.
Le corps en décomposition avancée de Joseph Kariyo, un agriculteur de 38 ans porté disparu depuis plus d’une semaine, a été retrouvé le dimanche 1er juin sur la colline Mparambo I, à proximité immédiate de la rivière Rusizi, qui marque la frontière entre le Burundi et la République Démocratique du Congo. Plusieurs témoignages et sources locales évoquent la piste d’un meurtre, possiblement lié à un trafic transfrontalier impliquant des jeunes Imbonerakure.
La découverte du corps a profondément choqué les habitants de la colline Mparambo I, dans la commune de Rugombo, province de Cibitoke. Ce sont des pêcheurs qui, les premiers, ont signalé la présence du cadavre à une centaine de mètres de la Rusizi. L’identification de la victime n’a guère laissé de place au doute. « C’est Joseph, un homme tranquille qui cultivait ses champs non loin d’ici », confie, visiblement affecté, un habitant du village sous couvert d’anonymat.
Une source sécuritaire locale a confirmé qu’il s’agissait bien de Joseph Kariyo, connu pour ses activités agricoles dans cette zone frontalière. Très vite, des soupçons ont émergé quant à l’implication présumée de certains jeunes affiliés à la ligue des Imbonerakure, l’aile jeunesse du CNDD-FDD, parti au pouvoir au Burundi, et considérée par l’ONU comme une milice. Ces derniers sont régulièrement accusés de participer à des activités de contrebande entre le Burundi et la RDC.
Selon plusieurs habitants, Joseph Kariyo aurait été témoin d’un trafic illicite en cours. « Il gênait. Il savait des choses », avance une source proche de l’affaire, évoquant la possibilité qu’il ait été éliminé pour le réduire au silence.
Contacté, l’administrateur communal de Rugombo, Gilbert Manirakiza, a confirmé la découverte du corps ainsi que son enterrement rapide, invoquant des raisons de santé publique. « Le corps était en état de décomposition avancée. Nous ne pouvions pas risquer une contamination au sein de la population », a-t-il déclaré, appelant la famille du défunt à patienter jusqu’aux conclusions de l’enquête en cours.
Mais dans la population, l’indignation est palpable. Nombreux sont ceux qui dénoncent l’opacité de la gestion du dossier et réclament une enquête rigoureuse, indépendante et transparente. « Il faut que justice soit faite. Ce n’est pas la première fois qu’un corps est retrouvé dans des circonstances douteuses, et que rien ne se passe ensuite », lance un habitant de Rugombo.
La province de Cibitoke est régulièrement le théâtre de macabres découvertes, souvent suivies d’enquêtes sans suite. Les autorités locales privilégient fréquemment des inhumations hâtives, invoquant des considérations sanitaires, ce qui alimente la méfiance des habitants envers les institutions locales.
Face à la récurrence de ces affaires non élucidées, la pression monte au sein de la société civile locale pour que ce nouveau cas ne rejoigne pas la longue liste des morts oubliés de Cibitoke.
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Photo : Deux hommes sur une barque dans la rivière Rusizi, non loin de l’endroit où le corps sans vie de Joseph Kariyo a été retrouvé © SOS Médias Burundi

