À Buhumuza, les urnes sous tension

SOS Médias Burundi
À deux jours des élections prévues le 5 juin, le climat est électrique dans la future province de Buhumuza, à l’Est du Burundi. Plusieurs partis d’opposition, dont l’UPRONA, le RANAC et le CNL, dénoncent une campagne marquée par la peur, les violences et les entraves à la liberté d’expression, notamment dans les provinces de Ruyigi et Muyinga.
Sur les collines de Buhumuza, la fin de campagne électorale n’a rien d’un moment festif. Entre le 24 et le 31 mai, les trois partis engagés dans la course aux élections locales affirment avoir été la cible d’intimidations répétées : menaces, agressions physiques et empêchements d’organiser leurs activités.
« Certains de nos militants ont été violemment attaqués alors qu’ils se rendaient à nos rassemblements. D’autres ont reçu des menaces explicites leur enjoignant de ne pas s’afficher à nos côtés », a déclaré Serge Njebarikanuye, secrétaire provincial de l’UPRONA à Buhumuza, lors d’un meeting tenu à Butaganzwa.
Il accuse nommément Ferdinand Bandiyiminsi, chef provincial des Imbonerakure — la ligue des jeunes du parti au pouvoir CNDD-FDD, que l’ONU considère comme une milice — d’avoir orchestré des blocages dans la zone de Muriza, dont il est originaire. Des membres de l’UPRONA auraient ainsi été empêchés à plusieurs reprises d’accéder aux sites de campagne.

Serges Njebarikanuye, secrétaire provincial de l’UPRONA dans la future province du Buhumuza, dénonçant publiquement les comportements violents des jeunes Imbonerakure © SOS Médias Burundi
Du côté du CNL, le constat est tout aussi amer. Un représentant du parti, qui a requis l’anonymat, décrit un climat hostile :
« Ce que nous vivons ici n’a rien à voir avec une campagne libre. Le message est clair : si vous n’êtes pas avec le CNDD-FDD, vous devez vous taire ou disparaître. »
Selon lui, les communes de Muyinga, Gasorwe, Butihinda et Giteranyi (dans l’actuelle province de Muyinga), ainsi que celle de Nyabitsinda (province de Ruyigi), seraient les plus touchées. Il évoque notamment un affrontement violent survenu le 30 mai à Nyabitsinda entre militants du CNDD-FDD et ceux du CNL. La tension aurait été exacerbée par le chef de zone et le chef local des Imbonerakure. L’altercation a fait plusieurs blessés, et un véhicule du CNL a été endommagé.

La voiture du secrétaire provincial du CNL dans la future province du Buhumuza, endommagée lors d’un affrontement avec des jeunes du CNDD-FDD à Nyabitsinda © SOS Médias Burundi
Le RANAC, pour sa part, déplore un climat d’humiliation continue depuis le début de la campagne, particulièrement dans les provinces de Ruyigi et Cankuzo.
« Nous avions l’impression d’être surveillés partout. Plusieurs de nos meetings ont été perturbés sans que les forces de l’ordre n’interviennent », confie un cadre du parti.
Des mesures semblent néanmoins avoir été prises dans certains cas. D’après les informations recueillies sur place, le chef de zone de Nyabitsinda et le chef local des Imbonerakure ont été interpellés. Ils sont actuellement placés en détention provisoire au commissariat de police de Ruyigi, dans l’attente de sanctions.
Pour l’opposition, tous ces incidents visent à verrouiller le scrutin en faveur du CNDD-FDD, qui reste historiquement dominant dans cette région frontalière de la Tanzanie. Les partis parlent d’un « simulacre électoral » et d’un « théâtre de violences sous couvert de démocratie ».
Les élections du 5 juin visent à élire les structures communales et les représentants législatifs. Mais au-delà de l’enjeu local, ces scrutins sont perçus comme un indicateur décisif avant les grandes échéances nationales. L’opposition y voit un levier stratégique pour espérer peser, à terme, dans les choix politiques du pays.
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Photo : En commune Ruyigi, des membres du RANAC se réunissent discrètement derrière leurs maisons, par crainte de représailles © SOS Médias Burundi

