Élections du 5 juin : la CENI verrouille l’accès aux journalistes sans accréditation

SOS Médias Burundi,
Bujumbura, 2 juin 2025-À trois jours des scrutins législatif et communal, la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) durcit le ton : aucun journaliste ne pourra couvrir les opérations de vote sans accréditation officielle délivrée par ses soins.
La carte du CNC ne suffit plus
L’annonce a été faite ce lundi par François Bizimana, commissaire chargé de la communication à la CENI, lors d’une rencontre avec les patrons de presse et les représentants du ministère de la Communication.
« Le droit à l’information est garanti, mais la CENI doit savoir qui couvre les élections et avec quel mandat », a-t-il précisé.
Il ajoute que la carte professionnelle du Conseil National de la Communication (CNC) – pourtant délivrée par l’organe officiel de régulation des médias – ne donne aucun droit d’accès aux lieux de vote. Seule l’accréditation de la CENI fait foi. La mesure concerne aussi bien les journalistes burundais qu’étrangers, à l’exception de ceux engagés dans la « synergie des médias », déjà validée.
Inquiétude chez les journalistes indépendants
La presse indépendante, peu représentée dans cette synergie, redoute une restriction de l’espace médiatique.
« Si la carte du CNC est ignorée, c’est une manière d’écarter les voix critiques. Tout le monde ne fait pas partie de la synergie », explique un journaliste basé à Gitega.
Une synergie sous contrôle
La ministre de la Communication, Léocadie Ndacayisaba, a appelé à la rigueur et à la discipline dans la couverture du scrutin.
« Aucun journaliste ne doit perturber l’action de la synergie. Le professionnalisme et la sécurité doivent primer », a-t-elle insisté.
Concrètement, les journalistes de terrain seront accrédités par la CENI, pendant que les rédactions centrales fonctionneront dans des bâtiments publics :
– RTNB ( Radio Télévision nationale du Burundi) pour la radio et la télévision ;
– PPB (Presses et Publications Burundaises) pour la presse écrite et en ligne.
Mais cette configuration alimente les craintes. Plusieurs journalistes dénoncent un encadrement trop étroit, voire une surveillance déguisée.
« Travailler sous le toit de la RTNB, c’est comme être sous tutelle. Quelle marge d’indépendance aurons-nous ? », s’interroge un reporter d’un média privé.
Une couverture verrouillée ?
Officiellement, la CENI veut assurer une couverture ordonnée et sécurisée du scrutin. Officieusement, plusieurs observateurs dénoncent une tentative de filtrage politique de l’information.
Le 5 juin fera office de test. Les journalistes accrédités auront-ils une vraie liberté de ton ? Ou devront-ils se contenter de relayer la version officielle du vote ?
Dans un pays où des journalistes sont déjà emprisonnés, battus ou censurés pour avoir fait leur métier, cette nouvelle restriction renforce un climat de peur et d’autocensure dans les salles de rédaction.
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Photo : des journalistes burundais réunis en synergie à la Maison de la presse à Bujumbura, lors de la Journée mondiale de la radio © SOS Médias Burundi