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Makamba : le CNDD-FDD accusé d’intimidation, de mobilisation forcée et de propagande agressive à l’approche des élections

SOS Médias Burundi

À quelques semaines des élections législatives et communales, la campagne électorale du CNDD-FDD, parti au pouvoir au Burundi, fait l’objet de critiques nourries dans la province de Makamba (sud du pays). Des pratiques jugées coercitives, telles que l’intimidation de la population, la mobilisation forcée d’écoliers et de commerçants, ainsi que la diffusion de messages à tonalité belliqueuse, inquiètent aussi bien les habitants que les acteurs de la société civile et de l’opposition.

Dans plusieurs quartiers de la commune de Makamba, des véhicules officiels — identifiés par des témoins comme appartenant à des services publics tels que les structures de santé ou l’administration communale — sillonnent les rues, haut-parleurs hurlants, diffusant des chansons électorales du CNDD-FDD. Mais ce qui trouble particulièrement, c’est la répétition insistante d’un extrait de discours du secrétaire général du parti, Révérien Ndikuriyo :

« Construisons en étant prudents, les ennemis sont furieux. Qu’une main prenne le micro, l’autre une arme ; jeunesse, pendant que vous mangez, dormez et étudiez, ne pensez pas que le pays est un gâteau qu’on donne à l’enfant qui pleure – il faut se battre pour lui ! »

Diffusés en boucle dans les espaces publics, ces propos sont perçus par de nombreux habitants comme des menaces à peine voilées.
« Ces messages cherchent à nous faire peur. On nous fait comprendre que si l’on ne soutient pas leur parti, on est considéré comme un ennemi de la nation », témoigne un habitant du quartier Nyaburumba, qui a requis l’anonymat.

Élèves retirés des classes, commerçants contraints

Le mercredi 21 mai, plusieurs sources locales affirment que la campagne du CNDD-FDD a franchi un nouveau seuil. Dans les écoles fondamentales de Musasa et Kinoso, des élèves ont été dispensés de cours pour être acheminés vers une activité politique organisée sur la colline de Nyabigina. Certains ont été invités à danser, d’autres à simplement occuper l’espace pour gonfler artificiellement l’assistance.

« Ces enfants avaient cours, mais on les a envoyés défiler pour le parti. C’est une manipulation qui ne devrait pas avoir sa place en milieu scolaire », déplore un enseignant de la commune.

Ce même jour, en fin d’après-midi, c’est le marché central de Makamba qui a été en partie déserté. Le gestionnaire du site, surnommé FOFANA, aurait ordonné la fermeture de plusieurs étals afin de permettre aux commerçants de participer à un meeting politique du CNDD-FDD.

« Nous vivons de nos ventes au jour le jour. Fermer nos stands pour nous forcer à aller écouter un discours politique, c’est abusif », s’indigne un commerçant rencontré sur place.

Une atmosphère tendue dénoncée par l’opposition

Face à cette situation, la société civile et la coalition d’opposition Burundi Bwa Bose dénoncent un climat de pression croissante.« Quand des véhicules de l’administration sont mobilisés pour faire campagne, que des discours militaristes sont diffusés à pleine puissance, et que des citoyens sont enrôlés contre leur gré dans des manifestations politiques, on ne peut plus parler de démocratie. C’est de l’intimidation pure et simple », dénonce un responsable local de la coalition.

Ces méthodes rappellent des pratiques déjà observées lors d’échéances électorales précédentes. Dans ce pays d’Afrique de l’Est, où la liberté d’expression reste fragile, de multiples cas d’arrestations arbitraires, d’intimidations et de violences à caractère politique ont été documentés ces dernières semaines.

Alors que la campagne bat son plein, les événements survenus à Makamba ravivent les craintes d’une élection verrouillée, où l’impartialité des institutions publiques et le respect des droits fondamentaux — comme l’éducation ou la liberté de réunion — risquent d’être relégués au second plan.

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Photo : Révérien Ndikuriyo, secrétaire général du CNDD-FDD, qui a dénigré l’opposition lors du meeting du 17 mai 2025 © SOS Médias Burundi