Derniers articles

Burundi : un rapport d’EurAc alerte sur un processus électoral verrouillé et un pays au bord de l’explosion

SOS Médias Burundi

À quelques jours des élections législatives et communales prévues au Burundi, le Réseau Europe-Afrique centrale (EurAc) tire la sonnette d’alarme. Dans un rapport au ton grave, l’organisation décrit un pays pris en étau entre dérive autoritaire, crise économique aiguë et implication militaire risquée en RDC. Le tout, sous le regard de plus en plus distant de l’Union européenne.

À moins de deux semaines des élections législatives et communales prévues pour le 5 juin, un rapport alarmant du Réseau Europe-Afrique centrale (EurAc) met en garde contre une dérive autoritaire au Burundi. L’organisation, qui regroupe 32 ONG européennes actives dans la région des Grands Lacs, dénonce un climat électoral verrouillé, un recul démocratique persistant, une implication militaire croissante en République démocratique du Congo, ainsi qu’un effondrement économique accéléré. Tout cela sur fond d’un désengagement préoccupant de l’Union européenne.

Le rapport, intitulé « Sur la route des élections burundaises : entre bruits de bottes et effondrement économique », s’appuie sur des témoignages directs, des observations de terrain et des analyses croisées. Le constat est sans appel : le pays est engagé dans un cycle de tensions potentiellement explosif à l’approche du scrutin.

Processus électoral sous contrôle et opposition écartée

Selon EurAc, le processus électoral est étroitement contrôlé par les autorités. Plusieurs décrets présidentiels, adoptés à moins d’un an du vote, ont modifié en profondeur le code électoral. Ces changements ont notamment conduit à l’exclusion de figures majeures de l’opposition, à l’instar d’Agathon Rwasa, ancien chef rebelle hutu et candidat à la présidentielle de 2020, dont le parti a été radié en 2024.

Le climat politique est marqué par la peur : violences imputées aux Imbonerakure — la ligue des jeunes du CNDD-FDD au pouvoir —, pressions exercées sur les électeurs et répression des voix dissidentes. Autant d’éléments qui compromettent la crédibilité des élections à venir.

Société civile asphyxiée

Les espoirs suscités par l’arrivée au pouvoir d’Évariste Ndayishimiye en juin 2020 semblent aujourd’hui largement déçus. EurAc souligne que journalistes, militants et défenseurs des droits humains continuent de faire face à des arrestations arbitraires, à une surveillance constante ou à l’exil forcé. Des cas emblématiques, comme ceux de Floriane Irangabiye ou Sandra Muhoza, illustrent la fragilité persistante de la liberté de la presse au Burundi.

« Le Burundi connaît une situation qualifiable de ‘paix violente’, où le retour d’exil demeure risqué et la critique un acte de bravoure », résume le rapport.

Une armée engagée dans la guerre en RDC

Le rapport met également en lumière l’implication active de l’armée burundaise dans le conflit armé au Sud-Kivu, à l’est de la RDC. Les forces burundaises y affrontent à la fois le mouvement rebelle M23 et des groupes armés burundais, comme RED Tabara. EurAc évoque des pertes humaines importantes et dénonce une militarisation croissante de l’appareil sécuritaire, y compris à l’intérieur du pays.

Économie en chute libre

Sur le plan économique, le tableau est tout aussi sombre. Le rapport décrit une inflation galopante, des pénuries de carburant persistantes, un franc burundais en chute libre et une flambée du coût de la vie. En janvier 2025, la suspension du programme d’aide du FMI n’a fait qu’aggraver une précarité déjà critique. Selon EurAc, seuls les cercles proches du pouvoir tirent encore avantage du système, contrôlant à la fois les circuits économiques formels et informels.

L’Union européenne pointée du doigt

EurAc déplore également le manque de réactivité de l’Union européenne face à la dégradation de la situation. Le Burundi est absent de plusieurs résolutions récentes du Parlement européen concernant les Grands Lacs. Un silence jugé inquiétant par les auteurs du rapport, alors que le pays joue un rôle stratégique dans la stabilité régionale.

« Le désintérêt croissant de l’Union européenne pour la crise burundaise menace de transformer un oubli diplomatique en déflagration régionale », avertit le document.

Un scrutin à haut risque

À l’approche d’élections jugées à haut risque, EurAc appelle les partenaires internationaux, et en particulier l’Union européenne, à prendre des mesures urgentes : soutien accru à la société civile, condamnation explicite des violations des droits humains, et conditionnalité renforcée de l’aide au développement.

« Au Burundi, les apparences d’ouverture cachent une répression systémique qui pousse encore aujourd’hui des centaines de citoyens à l’exil », conclut le rapport.

_________________________________________________

Photo : Un meeting du parti Uprona au chef-lieu de Rumonge dans le sud-ouest du Burundi, le 18 mai 2025 © compte X de l’Uprona