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Élections sous tension à Cibitoke : des militants de l’opposition privés de cartes d’électeurs

SOS Médias Burundi

À deux semaines du double scrutin communal et législatif prévu le 5 juin, des voix s’élèvent dans la province de Cibitoke pour dénoncer une série d’intimidations, de violences ciblées et de confiscations de cartes d’électeurs visant des militants de l’opposition. Des faits qui jettent le doute sur la crédibilité et l’apaisement du processus électoral.

Située au nord-ouest du Burundi, la province de Cibitoke est le théâtre d’une montée des tensions politiques. Selon plusieurs sources locales, des groupes de jeunes affiliés au CNDD-FDD, le parti au pouvoir, mèneraient une campagne d’intimidation contre les partisans du Congrès National pour la Liberté (CNL) et de l’Union pour le Progrès National (Uprona), deux partis d’opposition.

Dans les communes de Rugombo, Mugina, Murwi et Mabayi, au moins une centaine de personnes auraient été privées de leurs cartes d’électeurs, souvent de force. Des témoignages font état de descentes ciblées menées par des membres de la ligue de jeunesse du CNDD-FDD, les Imbonerakure. Certains militants disent avoir été approchés avec des offres d’argent, allant jusqu’à 5 000 francs burundais, en échange de leur carte. D’autres évoquent des menaces de mort.

Face à ce climat de peur, plusieurs membres du CNL ont quitté la province, certains cherchant refuge en Tanzanie. La coalition Burundi Bwa Bose dénonce une “campagne de terreur coordonnée” et accuse les autorités locales de complicité passive, pointant du doigt leur inaction face aux abus.

Les partis ciblés appellent la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) à intervenir pour garantir la régularité et la transparence du scrutin. Mais la confiance en cette institution semble entamée. “La majorité des agents communaux de la CENI sont proches du CNDD-FDD”, confie un cadre du CNL sous couvert d’anonymat.

De son côté, le représentant provincial du CNDD-FDD rejette toutes les accusations : “Ce sont des adhésions volontaires. Des citoyens quittent d’autres partis pour nous rejoindre. Il n’y a aucune intimidation.”

Contactés par SOS Médias Burundi, plusieurs administrateurs communaux affirment ne pas avoir reçu de plaintes officielles. Ils appellent la population au calme et assurent que le processus électoral se déroulera dans la sérénité.

Un climat électoral déjà entaché par le passé

Les inquiétudes actuelles résonnent avec les événements des cycles électoraux précédents. En 2020, des cas similaires avaient été signalés dans les provinces de Kirundo, Muyinga et Ruyigi, où des militants du CNL avaient été empêchés de voter, parfois agressés.

En 2015, au plus fort de la crise électorale, la province de Cibitoke avait connu une vague d’arrestations et de disparitions, poussant de nombreux opposants à fuir.

En 2010, plusieurs partis avaient boycotté les scrutins en dénonçant des intimidations à l’échelle nationale.

À l’approche du scrutin du 5 juin, les appels à la vigilance se multiplient. Observateurs et acteurs de la société civile redoutent que le Burundi ne replonge dans une spirale de violences électorales, comme cela a été le cas à plusieurs reprises au cours des quinze dernières années.

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Photo : Des habitants de la province de Cibitoke, dans le nord-ouest du Burundi, attendent en vain la distribution de leur carte électorale © SOS Médias Burundi