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Danseurs culturels sous pression : Interdits de se produire pour d’autres partis et mal rémunérés par le CNDD-FDD

SOS Médias Burundi

À quelques semaines des élections, des artistes traditionnels du sud du Burundi se disent pris en étau entre loyauté forcée au parti au pouvoir et conditions de travail précaires. Privés de liberté artistique et sous-payés, ils dénoncent une instrumentalisation politique de leur culture.

À l’approche des élections législatives et communales prévues le 5 juin 2025, des groupes de danse traditionnelle du sud du Burundi tirent la sonnette d’alarme. Ces artistes dénoncent des pressions exercées par le CNDD-FDD, parti au pouvoir, qui les empêcherait de se produire pour d’autres formations politiques tout en les rémunérant de manière dérisoire.

À Makamba, dans le Buragane, berceau de la danse Agasimbo, les témoignages se multiplient. Plusieurs groupes affirment être contraints de refuser toute prestation sollicitée par des partis d’opposition, de peur de représailles. « On nous a clairement dit qu’il est interdit de prester pour d’autres partis jusqu’à la fin du processus électoral », confie un danseur acrobatique de Kayoba, en commune Makamba.

Ce groupe avait été invité à animer une cérémonie marquant le début de campagne du CDP à Burunga. Mais la participation a été annulée suite à une directive des responsables locaux du CNDD-FDD. Une situation que les artistes vivent comme une double peine : ils sont à la fois utilisés comme outils de mobilisation politique et empêchés d’exercer librement leur art.

Le comble, selon eux, réside dans les conditions financières imposées par le parti présidentiel. « Pour une journée entière, on nous donne à peine 40.000 francs burundais, ce qui revient à moins de 3.000 par personne. C’est une humiliation », déplore un membre d’un groupe local. À titre de comparaison, certains partis d’opposition proposeraient jusqu’à 200.000 francs pour une prestation équivalente.

Dans un contexte économique difficile, cette précarité est d’autant plus pesante. Nombre de ces artistes vivent de petits métiers — gardiennage, travail agricole, fabrication de briques — et doivent en plus financer eux-mêmes leurs instruments, costumes et accessoires, dont les prix ne cessent de grimper.

Face à ce qu’ils considèrent comme une exploitation politique de leur art, les danseurs dénoncent une absence totale de reconnaissance. « On nous traite comme des figurants folkloriques. Notre culture est utilisée, mais on ne nous respecte pas », regrette l’un d’eux, la voix empreinte de lassitude.

Malgré ces plaintes répétées, les autorités locales restent sourdes aux revendications. Les groupes de danse continuent ainsi de se produire sous la bannière exclusive du CNDD-FDD, contraints par des pressions discrètes mais persistantes. Ce climat témoigne une fois de plus de la politisation croissante des expressions culturelles traditionnelles à l’approche des scrutins au Burundi.

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Photo : Un groupe de danseurs anime un rassemblement de militants du CNDD-FDD, en marge de la campagne pour les législatives et communales de juin 2025 © DR