Burundi : le ministère de l’Intérieur se félicite du bon déroulement de la campagne électorale, malgré des témoignages d’intimidation sur le terrain

SOS Médias Burundi
Alors que le ministère de l’Intérieur assure que la campagne électorale se déroule dans un climat apaisé et respectueux des règles démocratiques, plusieurs habitants de provinces clés dénoncent une réalité bien différente. Pressions, menaces et abus d’autorité entacheraient le processus électoral, selon des témoignages recueillis par SOS Médias Burundi.
Le ministère burundais de l’Intérieur s’est montré optimiste ce lundi quant au déroulement de la campagne électorale en cours. Selon le ministre Martin Niteretse, les activités se déroulent dans le calme et sans entraves à travers tout le pays. Pourtant, des témoignages recueillis dans plusieurs provinces dressent un tableau bien plus nuancé, marqué par des pressions, des menaces et diverses irrégularités.
Lors d’un point de presse tenu dans la capitale, le ministre a salué une campagne « apaisée », affirmant que tous les partis politiques, coalitions et candidats indépendants peuvent battre campagne librement et sans restrictions majeures.
« Les compétiteurs battent librement leur campagne où ils veulent, sans problème », a-t-il assuré.
Les quelques incidents signalés, selon lui, seraient de nature « mineure » et bien gérés grâce à une « communication rapide entre les parties concernées ». Pour le ministre, cela témoigne du bon fonctionnement de la démocratie burundaise.
Parmi les incidents reconnus par les autorités figurent l’agression de militants du parti d’opposition CNL en commune Mpanda, dans la province de Bubanza (ouest du Burundi), au cours de laquelle cinq personnes ont été blessées. Des tensions ont également été signalées à propos de l’occupation des lieux de rassemblement à Bubanza et dans la province de Bujumbura. Des cas de destruction volontaire de cartes d’électeurs ont par ailleurs été rapportés à Gitega (centre), Rutana (sud-est) et Cibitoke (nord-ouest). À Muyinga (nord-est), deux militants du CNDD-FDD ont perdu la vie dans un accident de la route.
Martin Niteretse a précisé que certains auteurs présumés de l’agression contre les membres du CNL ont été arrêtés, et que les enquêtes se poursuivent pour identifier l’ensemble des responsables.
Il a par ailleurs exhorté les candidats à respecter scrupuleusement la loi durant toute la période électorale, appelant l’administration à faciliter l’organisation des activités de campagne, en particulier en évitant les conflits liés à l’usage des lieux publics.
Mais sur le terrain, de nombreux témoignages recueillis par SOS Médias Burundi décrivent une réalité bien différente.
À Bubanza, un jeune commerçant affirme être contraint de participer aux rassemblements du parti au pouvoir :
« Les autorités nous obligent à aller aux meetings du CNDD-FDD, même si nous avons d’autres activités importantes. Si tu refuses, tu es directement considéré comme un opposant. »
À Ngozi, une habitante évoque une pression exercée via les structures administratives locales :
« Des chefs de colline sont venus nous dire que si on ne participait pas à la campagne du CNDD-FDD, nos enfants seraient supprimés des listes de bénéficiaires des aides sociales. »
À Rumonge, un pêcheur témoigne :
« On m’a menacé de saisir ma pirogue si je n’allais pas au meeting. J’y suis allé, mais je n’ai rien écouté. »
Même son de cloche à Gitega, où un enseignant décrit un climat de peur généralisée :
« Tout le monde fait semblant de soutenir le parti au pouvoir, mais beaucoup le font uniquement par crainte de représailles. »
Face à ces signaux contradictoires, le ministère de l’Intérieur a renouvelé son appel à la vigilance à l’ensemble des parties prenantes au processus électoral — en particulier les forces de sécurité et les autorités administratives — afin de prévenir toute perturbation et garantir un climat serein.
Interrogé sur l’usage de véhicules de l’État par certaines autorités durant la campagne, Martin Niteretse a défendu leur emploi en expliquant qu’il s’agissait d’activités professionnelles normales.
« L’essentiel est que ces véhicules servent le citoyen. Ce qui serait problématique, c’est qu’un responsable enlève sa plaque d’immatriculation pour en mettre une autre. S’il est en service, il n’a pas à se cacher », a-t-il conclu.
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Photo : Martin Niteretse, ministre burundais de l’Intérieur, qui a affirmé que la campagne électorale se déroule dans la tranquillité, tout en minimisant l’usage des moyens de l’État par certains responsables © SOS Médias Burundi