Neva promet des millions, mais le Burundi s’enfonce dans la pauvreté

SOS Médias Burundi
Gitega, 18 mai 2025 – À un peu plus de deux semaines des élections législatives et communales, le président burundais Évariste Ndayishimiye a dévoilé une nouvelle promesse ambitieuse : garantir à chaque citoyen un million de francs burundais d’ici deux ans. Baptisée opération « Un million », cette initiative a été lancée jeudi dernier, au stade Ingoma de Gitega, la capitale politique, en présence de milliers de partisans convoyés depuis les provinces environnantes.
Selon le chef de l’État, cette mesure vise à « autonomiser les citoyens » et à ancrer le Burundi dans une « transformation économique inclusive ». Il a réitéré son célèbre slogan : « chaque bouche doit avoir à manger, chaque poche de l’argent », tout en dénonçant ceux qu’il qualifie de « saboteurs », accusés de bloquer les projets communautaires.
Mais ces déclarations présidentielles peinent à convaincre dans une petite nation d’Afrique de l’Est en proie à de multiples crises. Depuis bientôt 52 mois, le pays fait face à une pénurie persistante de carburant, à des coupures récurrentes d’eau et d’électricité, même dans des villes stratégiques comme Bujumbura, la capitale économique où sont concentrées les agences des Nations Unies et les institutions centrales. Les produits de base manquent, l’inflation galope, et la pauvreté s’aggrave.
À Bujumbura, Clémentine, une vendeuse de fruits au marché de Kinindo, se montre sceptique :
« Cela fait des années qu’on nous promet monts et merveilles. J’attends encore l’électricité à la maison. Alors un million sur mon compte ? Ce sont des mots de campagne, rien de plus. »
Un économiste basé à Ngozi, contacté sous anonymat, partage cette réserve :
« Le président parle de donner un million à chaque Burundais, mais il n’explique pas avec quel budget. Le pays a une faible capacité fiscale, une aide extérieure réduite et une économie informelle dominante. C’est irréaliste, c’est du populisme. »
Depuis son accession anticipée au pouvoir en juin 2020, suite à la mort soudaine de son prédécesseur Pierre Nkurunziza, Évariste Ndayishimiye multiplie les annonces tonitruantes : lutte contre la corruption, modernisation de l’agriculture, numérisation de l’administration, création de milliers d’emplois. Mais les résultats tardent, déplorent de nombreux observateurs.
Sur le terrain, la population continue de souffrir : chômage élevé, insécurité alimentaire, services de santé précaires, manque d’infrastructures. Le Burundi reste classé pays le plus pauvre au monde, selon des indicateurs internationaux récents.
Dans ce contexte, l’opération « Un million », lancée en pleine campagne où le CNDD-FDD ne fait face à aucune réelle opposition, est perçue par plusieurs comme une manœuvre électoraliste de plus. Des figures comme Agathon Rwasa-l’ancien chef rebelle hutu ont été écartées du jeu politique, contribuant à un climat de verrouillage démocratique.
À Gitega, un enseignant présent au stade a résumé son impression en ces termes :
« Ce que nous voulons, ce n’est pas un million sur papier. C’est un salaire décent, des soins accessibles, une éducation de qualité. Les discours ne remplissent pas les assiettes. »
Plus récemment encore, le président Ndayishimiye a provoqué l’arrivée controverse en déclarant que « le Burundi n’a jamais été aussi bienheureux », une affirmation jugée humiliante, décevante et inappropriée par plusieurs analystes politiques.
« Ses propos sont remplis d’égoïsme, comme s’il cherchait à se dissocier de l’état du pays tout en dirigeant seul depuis près de cinq ans », dénonce l’un d’eux.
Dans les rues, les Burundais oscillent entre lassitude, résignation et ironie face à une gouvernance marquée par les discours fleuves, mais peu de changements concrets.
L’opération « Un million » s’annonce déjà, pour beaucoup, comme une promesse de plus sans lendemain.
______________________________________________________
Photo : le président Évariste Ndayishimiye, entouré par quelques membres du conseil des sages du CNDD-FDD dont son secrétaire général Révérien Ndikuriyo, arrive au stade Ingoma pour lancer la campagne « Un million », le 15 mai 2025 , crédit photo : CNDD-FDD