Le CNDD-FDD en campagne : quand l’État se met au service du parti

SOS Médias Burundi
Makamba, 18 mai 2025 – La vie quotidienne a tourné au ralenti ce samedi dans les provinces de Makamba et Rutana, situées dans le sud-est du pays, alors que la campagne électorale du parti au pouvoir battait son plein dans la nouvelle province de Burunga. Les habitants dénoncent une mobilisation imposée, des perturbations majeures et l’usage controversé des moyens de l’État.
Le chef-lieu de la commune Makamba s’est réveillé dans une atmosphère inhabituelle. Le marché central, poumon économique de la ville, est resté fermé jusqu’à 13 heures. Commerçants frustrés, clients désemparés : la journée a été marquée par le chaos. « Nous étions devant les portes fermées sans explication », déplore une vendeuse de tomates. Sous un soleil accablant, légumes et feuilles d’amarantes (Irengarenga) ont flétri avant même de trouver preneur.
Cette fermeture soudaine n’est pas un cas isolé. Dans plusieurs localités du pays, notamment dans la capitale politique Gitega, ainsi que dans les provinces du sud-ouest et du nord-ouest, des situations similaires ont été rapportées. Des marchés ont été expressément fermés, selon des témoins, afin d’obliger les résidents à participer aux meetings du CNDD-FDD, l’ancienne rébellion hutu arrivée au pouvoir en 2005 grâce à l’accord de paix d’Arusha signé en août 2000.
À Makamba, plusieurs témoins affirment que les Imbonerakure, la ligue de jeunesse du parti au pouvoir, patrouillaient autour du marché et le long de la RN11 menant au stade privé du secrétaire général du CNDD-FDD, Révérien Ndikuriyo, situé à huit kilomètres du centre-ville.
Une nuit blanche, une matinée sous contrainte
Dès 2 heures du matin, les routes de Makamba et Rutana ont vu défiler des bus bondés de militants venus d’autres provinces. Le vacarme des arrivées nocturnes a privé de sommeil de nombreux habitants. Au lever du jour, les élèves du chef-lieu ont été sommés de rejoindre le stade avant l’aube pour remplir les rangs lors du meeting. « Mon enfant n’a pas déjeuné, mais il devait y être avant 5 heures », confie une mère de famille.
Pourtant, le ton officiel voulait rassurant. Le secrétaire général du CNDD-FDD avait récemment promis que la campagne n’entraverait pas le quotidien des citoyens. Une promesse rapidement contredite par la réalité sur le terrain.
Des moyens publics en campagne
Autre point de discorde : l’utilisation massive de véhicules de l’État. Plusieurs d’entre eux, utilisés pour transporter les militants, arboraient des logos du CNDD-FDD, parfois collés à même les plaques d’immatriculation officielles. Une pratique qui suscite des interrogations sur la frontière, de plus en plus floue, entre moyens publics et actions partisanes.
La mobilisation a culminé avec l’arrivée dans l’après-midi du président de la République, Évariste Ndayishimiye, venu prêter main forte à la campagne de son parti. Sa présence témoigne de l’importance stratégique que le CNDD-FDD accorde à la nouvelle province de Burunga, fusion des anciennes provinces de Makamba et Rutana, notamment.
Une démonstration de force, mais à quel prix ? s’interrogent plusieurs habitants, qui dénoncent une campagne menée au détriment de leur tranquillité, de leur économie et de leurs droits fondamentaux.
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Photo : un rassemblement des militants du CNDD-FDD dans le cadre de la campagne électorale pour les législatives et communales du 5 juin 2025, crédit photo : CNDD-FDD