Gitega : l’administration publique au ralenti en pleine campagne du CNDD-FDD
SOS Médias Burundi
Alors que la campagne électorale du CNDD-FDD bat son plein, de nombreuses institutions publiques de Gitega ont suspendu leurs activités. Fonctionnaires absents, bureaux fermés, détournement de moyens de l’État : la confusion entre service public et parti au pouvoir s’aggrave, au détriment des citoyens.
À Gitega, capitale politique du Burundi, la campagne électorale du CNDD-FDD perturbe fortement le fonctionnement des services publics. Depuis le lancement officiel de la campagne, le 9 mai dernier, plusieurs institutions tournent au ralenti, paralysées par la mobilisation du personnel étatique en faveur du parti au pouvoir. Cette situation, qui prive les citoyens de services essentiels, ravive le souvenir d’abus similaires observés lors des précédentes échéances électorales.
Depuis une semaine, les files d’attente devant les bureaux de l’administration publique s’allongent, mais l’espoir d’y trouver des agents disponibles s’amenuise. Dans la capitale politique, de nombreuses institutions publiques sont presque désertes. Les agents, pour la plupart, ont été mobilisés pour soutenir activement la campagne du CNDD-FDD.
Parmi les structures touchées figurent la commune de Gitega – chargée notamment de la délivrance des cartes nationales d’identité –, le Sénat, le cabinet du gouverneur, l’Office Burundais pour la Protection de l’Environnement (OBPE), l’Institut Géographique du Burundi, ainsi que plusieurs directions générales relevant du ministère de l’Agriculture.
« Il n’y avait personne pour recevoir les dossiers ni pour les signer. Tous étaient partis au meeting du parti », témoigne une habitante croisée le 15 mai devant les bureaux fermés. Ce jour-là, un grand rassemblement du CNDD-FDD se tenait au stade Ingoma, mobilisant cadres, fonctionnaires et responsables administratifs.
Selon des sources internes, des instructions claires ont été données aux chefs de services : la participation aux activités électorales du parti est pratiquement obligatoire. En toile de fond, les enjeux du scrutin présidentiel et législatif prévu le 5 juin, mais aussi les incertitudes liées à la prochaine réforme administrative, qui prévoit de ramener le nombre de provinces de 18 à 5, et celui des communes de 119 à 42. Cette restructuration alimente les luttes internes pour préserver les postes stratégiques, voire en acquérir de nouveaux.
Au-delà de la paralysie des institutions, plusieurs voix dénoncent des abus liés à l’usage des ressources de l’État : véhicules de service affectés à la campagne, carburant public utilisé à des fins partisanes, frais de mission détournés pour financer des activités électorales. Des pratiques qui renforcent les critiques sur la confusion grandissante entre l’appareil d’État et le parti au pouvoir.
Ce phénomène n’est pas nouveau. Déjà en 2015 et en 2020, les campagnes électorales avaient conduit à la désertion de nombreuses administrations, notamment dans les provinces de Ngozi, Rumonge et Makamba. D’échéance en échéance, la priorité semble être donnée à la loyauté politique plutôt qu’au devoir de service public.
Pour de nombreux observateurs, cette dérive systémique soulève une question cruciale : peut-on parler de démocratie fonctionnelle quand l’administration publique, censée être neutre, devient un rouage de la machine partisane ?
________________________________________________________
Photo : Un meeting du CNDD-FDD à Gitega, mai 2025 © DR
