Rumonge : le marché central fermé pour inciter au retrait des cartes d’électeurs

SOS Médias Burundi
Dans un contexte de mobilisation électorale tendue, les autorités de Rumonge ont temporairement fermé le marché central ce mercredi matin. Objectif : contraindre les habitants à aller retirer leur carte d’électeur. Une mesure controversée qui relance le débat sur les méthodes utilisées pour pousser à la participation.
Ce mercredi matin, les portes du marché central de Rumonge, dans le sud-ouest du Burundi, sont restées closes pendant plusieurs heures. À l’origine de cette fermeture inhabituelle : une décision des autorités locales visant à pousser les habitants à retirer leur carte d’électeur, en prévision des scrutins législatifs et communaux à venir.
Dès l’aube, les accès au marché ont été verrouillés à l’aide de cadenas. Aux abords, des jeunes Imbonerakure — membres de la ligue des jeunes affiliée au parti au pouvoir — filtraient les passants. Seuls les détenteurs de leur carte d’électeur étaient autorisés à franchir les barrières pour accéder aux étals.
Selon plusieurs commerçants interrogés sur place, les activités du marché n’ont pu reprendre qu’à partir de 11 heures. Entre-temps, une foule de citoyens s’était précipitée vers les centres de distribution afin de se procurer le précieux document.
« On nous a dit qu’il fallait présenter la carte, sinon pas de marché. J’ai dû aller la chercher rapidement pour pouvoir vendre mes produits », raconte une vendeuse de légumes, l’air exténué.
Des files d’attente se sont formées dans plusieurs points de retrait, reflet à la fois de l’efficacité de la mesure… et de la pression ressentie. Pour certains habitants, cette méthode s’apparente clairement à du chantage administratif.
Des pratiques déjà dénoncées
Ce n’est pas la première fois que des méthodes coercitives sont utilisées pour inciter les citoyens à se conformer aux exigences du processus électoral. Lors de la phase d’enrôlement, plusieurs personnes avaient signalé avoir été empêchées d’accéder à des marchés, des hôpitaux, voire à des postes de police, faute de présenter une attestation d’inscription.
Ces pratiques avaient été vivement critiquées par des organisations de défense des droits humains, qui les considèrent contraires aux libertés individuelles et à l’éthique démocratique.
Ce que dit la loi
Le droit burundais garantit la liberté de circulation et l’accès aux services publics, tout en interdisant toute forme de coercition politique. Le Code électoral précise que la participation au processus électoral doit reposer sur une démarche volontaire et éclairée.
Contraindre les citoyens à retirer leur carte sous peine d’être privés de services ou d’opportunités économiques constitue une violation manifeste de ces principes. À ce jour, aucune autorité n’a été tenue responsable de ces dérives, malgré leur caractère récurrent.
Une pression qui trahit un malaise
Pour plusieurs observateurs, ces méthodes traduisent l’inquiétude grandissante des autorités locales et de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), face à un désintérêt marqué de la population. L’absence de véritable compétition politique, accentuée par le musellement de l’opposition, réduit fortement l’attrait du processus électoral pour une partie importante des citoyens.
Officiellement, la période de retrait des cartes devait s’achever ce mercredi. Reste à savoir si cette mobilisation sous contrainte saura transformer l’indifférence en engagement sincère — ou si elle ne fera qu’alimenter davantage la méfiance envers le processus électoral.
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Photo: Une pancarte souhaitant la bienvenue au chef-lieu de Rumonge où le marché central a été fermé pour pousser les résidents à aller retirer leurs cartes d’électeurs © SOS Médias Burundi