Campagne électorale : les moyens de l’État mobilisés au profit du CNDD-FDD
SOS Médias Burundi
Alors que la campagne électorale bat son plein, un meeting du CNDD-FDD tenu à Kiremba suscite la controverse. L’implication massive des moyens de l’État dans l’organisation de cet événement interroge sur l’équité du processus électoral, en dépit des interdictions légales.
La commune de Kiremba, dans la province de Butanyerera (nord du Burundi), a été le théâtre, ce mercredi, d’un important rassemblement politique du parti au pouvoir, le CNDD-FDD. Le président de la République en personne a pris part à ce meeting, qui s’inscrit dans le cadre de la campagne électorale. Mais au-delà de la ferveur partisane, c’est l’implication manifeste des moyens de l’État dans l’organisation de l’événement qui fait polémique.
Des véhicules administratifs détournés
Dès les premières heures de la journée, plusieurs véhicules à plaques jaunes — habituellement réservés aux missions officielles — ont été observés transportant des militants vers le lieu du meeting. Selon plusieurs sources concordantes, des chefs de services et administrateurs communaux ont été mobilisés pour assurer la logistique, en utilisant les ressources matérielles et humaines de leurs services respectifs. Du carburant issu des stocks publics aurait également été utilisé pour alimenter ces véhicules.
Les bus et pick-up étaient majoritairement remplis de membres de la ligue des jeunes Imbonerakure et de cadres Bagumyabanga — nom attribué aux fidèles du parti présidentiel — venus de différentes localités. Une situation qui pose une question fondamentale sur la neutralité de l’administration à l’approche des scrutins.
L’opposition dénonce un déséquilibre flagrant
Du côté des partis d’opposition, la colère est palpable. Plusieurs responsables dénoncent un « abus éhonté » des ressources publiques.
« C’est un gaspillage inacceptable des biens de l’État au profit d’un seul parti. Pendant ce temps, nous, partis d’opposition, n’avons accès à aucune ressource équivalente », s’insurge un représentant local d’un parti concurrent.
Ces formations politiques réclament une égalité d’accès aux moyens publics pendant la campagne, comme le prévoit la loi.
Le carburant réservé au CNDD-FDD, les citoyens pénalisés
Dans plusieurs provinces, notamment dans le nord du pays, des gouverneurs auraient réquisitionné des stocks de carburant disponibles dans certaines stations-service pour les besoins du CNDD-FDD. Cette priorisation a provoqué l’indignation : de nombreux citoyens, venus faire le plein selon le calendrier réglementé par plaques d’immatriculation, ont trouvé les pompes à sec.
« J’ai fait la queue pendant des heures, pour qu’on me dise qu’il n’y a plus une goutte. Et tout ça pour qu’on ravitaille les véhicules du parti ! », fulmine un habitant de Ngozi.
Des services publics paralysés
Ce jour-là, de nombreux bureaux de l’administration ont fermé leurs portes. Des citoyens venus accomplir des démarches courantes ont trouvé des services désertés. À Kiremba, certains se sont montrés particulièrement indignés.
« Ce n’est pas normal que les activités d’un parti politique paralysent toute une administration. L’État n’appartient pas à un parti ! », proteste un résident rencontré sur place.
Que dit la loi électorale ?
L’article 60 du Code électoral burundais est pourtant clair : « Les biens, les moyens de transport et les fonds publics ne peuvent être mis à la disposition d’un parti politique ou d’un candidat durant la campagne. » Le même texte confie à la Commission électorale nationale indépendante (CENI) la mission de garantir l’équité entre tous les acteurs politiques.
En théorie, la mobilisation des véhicules administratifs, l’usage du carburant public et l’engagement du personnel de l’État dans des activités partisanes constituent donc des violations explicites de la loi. En pratique, aucune sanction n’a été prononcée à ce jour pour de telles pratiques.
Des dérives répétées, sans conséquences
Malgré les dispositions légales, les dérives observées lors de cette campagne s’inscrivent dans un schéma devenu récurrent au Burundi. L’absence de réaction de la part des institutions de régulation — notamment la CENI — fragilise la crédibilité du processus électoral et alimente la méfiance.
Une campagne sous tension
À quelques semaines du scrutin, ces usages controversés des moyens de l’État au profit du CNDD-FDD risquent de jeter une ombre sur l’équité de la compétition électorale. Pour de nombreux observateurs, cette situation compromet sérieusement la transparence du processus et pourrait accentuer le climat de tension déjà palpable dans le pays.
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Photo : Des milliers de militants du CNDD-FDD en meeting à Kiremba en province de Butanyerera © CNDD-FDD
