Burundi : la CENI prolonge exceptionnellement le retrait des cartes d’électeurs d’une journée
SOS Médias Burundi
Alors que les élections législatives et communales approchent à grands pas, la Commission électorale burundaise tente de rassurer. En prolongeant d’une journée la période de retrait des cartes d’électeurs, elle espère corriger les ratés logistiques et encourager la participation. Mais le processus reste miné par les critiques, notamment sur les pressions exercées lors de l’enrôlement.
La Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) a annoncé ce mardi une prolongation exceptionnelle d’une journée pour le retrait des cartes d’électeurs sur l’ensemble du territoire burundais. Initialement prévu pour s’achever ce mercredi 14 mai, l’exercice se poursuivra jusqu’au jeudi 15 mai 2025.
Selon François Bizimana, porte-parole de la CENI, cette décision fait suite à plusieurs irrégularités constatées dans des centres de distribution, conjuguées à une faible affluence dans certaines zones. Il explique que certains citoyens, dont des membres des forces de défense et de sécurité mobilisés pour la sécurisation du processus électoral, n’ont pas pu récupérer leurs cartes à temps. C’est également le cas des soldats burundais déployés dans des missions de maintien de la paix à l’étranger.
« Ceux qui sont encore en service actif pourront retirer leurs cartes auprès de leurs supérieurs hiérarchiques. Quant aux Burundais de la diaspora, ils sont invités à se présenter dans les ambassades ou consulats pour les obtenir », a-t-il précisé.
La CENI assure par ailleurs que les électeurs absents ou empêchés auront toujours la possibilité de retirer leurs cartes dans les bureaux communaux, même après cette prolongation.
L’objectif affiché de cette mesure est de maximiser la participation aux élections législatives et communales prévues dans les prochaines semaines. Mais le processus reste entaché de critiques.
Retrait des cartes sous contrainte
Lors de la première phase d’enrôlement, organisée au début de l’année, de nombreux citoyens avaient été soumis à de fortes pressions pour s’inscrire. Dans plusieurs communes, l’accès aux services de base — marchés, centres de santé, postes de police — avait été conditionné à la présentation d’un récépissé d’enrôlement.
Des jeunes affiliés au parti au pouvoir, les Imbonerakure, avaient été déployés à des points névralgiques pour vérifier les documents d’identité des passants, une pratique largement dénoncée par la société civile et les partis d’opposition, qui y voient une forme d’intimidation institutionnalisée.
Un cadre légal pourtant clair
Le Code électoral burundais est pourtant sans ambiguïté : le retrait des cartes d’électeurs doit se faire de manière libre et volontaire. L’article 60 précise que toute forme de pression ou d’intimidation dans le cadre du processus électoral est constitutive d’infraction. Sont notamment interdites les menaces, les exclusions de services publics ou les contrôles exercés par des groupes liés à des partis politiques.
En dépit de ces dispositions, aucune poursuite n’a été engagée à l’encontre des auteurs de ces pratiques.
Alors que le Burundi s’engage dans une phase cruciale de son calendrier électoral, certains observateurs interprètent cette prolongation de dernière minute comme un aveu de fragilité des autorités face à un désintérêt croissant de la population. Un désengagement qui, selon plusieurs analystes, s’inscrit dans un climat politique marqué par la mainmise du CNDD-FDD sur les institutions.
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Photo : Des électeurs vérifient leurs noms dans un centre de retrait de cartes d’électeurs en province de Cibitoke, le 14 mai 2025 © SOS Médias Burundi
