Médecins burundais : des primes pour rester… ou un pansement sur une plaie profonde ?
SOS Médias Burundi
Bujumbura, 13 mai 2025- La petite nation de l’Afrique de l’Est fait face à une fuite alarmante de ses professionnels de santé. En réponse, le gouvernement a décidé d’augmenter les salaires des médecins affectés en province. Une initiative saluée, mais jugée tardive et partielle par les principaux concernés.
Fuite des cerveaux, hôpitaux désertés, patients abandonnés : le Burundi perd ses médecins, jour après jour. En réaction à cette hémorragie silencieuse, les autorités ont enfin agi. Depuis ce lundi 12 mai, une ordonnance signée en février 2025 entre en vigueur, instaurant des primes et des frais d’éloignement pour les médecins exerçant en dehors de Bujumbura- la ville commerciale où sont concentrées les agences des Nations-Unies et l’administration centrale.
Concrètement, un médecin généraliste, auparavant payé 500.000 francs burundais (environ 170 USD), verra son revenu multiplié par quatre. Pour les spécialistes, le salaire sera multiplié par cinq s’ils sont affectés loin de la capitale.
Une bouffée d’air pour certains, qui y voient une reconnaissance longtemps attendue. Mais sur le terrain, l’enthousiasme est tempéré. Car si l’argent est un facteur important, il ne résout pas tout.
« Ce ne sont pas seulement les faibles salaires qui poussent les médecins à partir. C’est aussi le manque de matériel, l’isolement, et l’absence de perspectives », explique un médecin basé dans le nord du pays. Les hôpitaux de l’intérieur, souvent sous-équipés et négligés, peinent à offrir des conditions de travail dignes.
La réalité de l’exode médical est difficile à ignorer. Selon l’Ordre des Médecins du Burundi, plus de 300 médecins auraient quitté le pays au cours des cinq dernières années. Les destinations les plus courantes sont le Rwanda, le Kenya et l’Europe. Dans certaines provinces, un seul médecin couvre parfois plus de 100.000 habitants, mettant en péril l’accès aux soins de base.
« J’ai failli partir au Rwanda l’an dernier. J’étais épuisé. On est seuls, débordés, et on travaille parfois sans même une perfusion disponible. Ces primes sont bienvenues, mais ce n’est pas ça qui nous fera rester durablement », confie un médecin généraliste de la province de Karusi dans le centre-est du Burundi.
Autre source de frustration : seuls les médecins titulaires sont concernés par ces hausses. Infirmiers, aides-soignants et contractuels – qui assurent pourtant l’essentiel des soins quotidiens – restent exclus de la réforme. Un déséquilibre que dénoncent plusieurs acteurs du secteur.
Pour beaucoup, cette réforme salariale n’est qu’un premier pas. Le vrai défi reste entier : réformer un système de santé à bout de souffle. Cela passe par une meilleure gouvernance, des investissements en équipements, une formation continue de qualité et des perspectives claires pour les jeunes médecins.
Des primes peuvent retenir quelques-uns. Mais seule une transformation en profondeur convaincra les soignants de rester et de bâtir l’avenir du Burundi… là où l’on a le plus besoin d’eux.
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Photo : un agent de santé en train de prélever du sang destiné à des structures sanitaires au Burundi lors d’une campagne de don de sang © SOS Médias Burundi
