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Bujumbura : agression d’un député-le pouvoir dément, les doutes persistent

Le député Jean Baptiste Sindayigaya qui a échappé à une tentative d’enlèvement dans la ville commerciale Bujumbura le 10 mai 2025, DR

SOS Médias Burundi

Bujumbura, 13 mai 2025- Le député Jean Baptiste Sindayigaya affirme avoir été violemment agressé par des hommes armés à Bujumbura, la ville commerciale. Il évoque une tentative d’enlèvement. Le ministère de la Sécurité dément catégoriquement et parle d’un simple accrochage entre automobilistes alcoolisés. Deux versions diamétralement opposées, sur fond de tensions croissantes dans le pays.

Le député Jean Baptiste Sindayigaya, représentant coopté de la communauté Batwa à l’Assemblée nationale du Burundi, affirme avoir été victime d’une tentative d’enlèvement particulièrement violente dans la soirée du samedi 10 mai, à Bujumbura. Selon ses déclarations, l’attaque s’est produite à la gare du Nord, dans le nord de la capitale économique.

Intercepté par un groupe d’hommes armés, dont l’un en uniforme de police, le député affirme que ses agresseurs ont tenté de le forcer à monter dans un véhicule banalisé. « J’ai aperçu à l’intérieur une personne torturée, couverte de sang », a-t-il confié. Ses cris auraient attiré l’attention de riverains et de policiers de proximité. Un affrontement s’en est suivi, et les assaillants auraient pris la fuite. Le député affirme avoir été malmené, blessé à l’œil, et dépouillé de 500 000 FBu ainsi que d’un téléphone.

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Il indique avoir saisi plusieurs autorités, dont le Premier ministre, l’Ombudsman et le ministre de l’Intérieur. « Si même les élus du peuple ne sont plus à l’abri, qu’en est-il des simples citoyens ? », s’est-il interrogé dans un message adressé à SOS Médias Burundi.

Le ministère de la Sécurité nationale dément

Moins de 48 heures après ces allégations, le ministère burundais de la Sécurité nationale a formellement démenti les faits. Dans un communiqué publié lundi 12 mai par son porte-parole, Pierre Nkurikiye, il parle de « pures rumeurs sans fondement ».

Pierre Nkurikiye, porte-parole du ministère de la Sécurité au Burundi  © SOS Médias Burundi
Pierre Nkurikiye, porte-parole du ministère de la Sécurité au Burundi © SOS Médias Burundi

Selon cette version, l’incident résulterait d’un accrochage entre cinq véhicules, survenu dans un embouteillage. Une altercation aurait éclaté entre les conducteurs, dont le député Sindayigaya. Certains, « probablement sous l’emprise de l’alcool », selon le ministère, seraient sortis de leur véhicule pour régler la situation sans solliciter l’intervention des policiers pourtant présents à proximité. Un policier aurait été blessé lors de la bagarre.

Le ministère indique que des enquêtes sont en cours pour établir les responsabilités et rappelle que la consommation d’alcool au volant est un délit.

Un contexte politique sensible

L’affaire prend une dimension particulière dans un contexte préélectoral tendu, à l’approche des élections législatives et communales prévues en juin prochain. Le Rapporteur spécial de l’ONU sur les droits humains au Burundi, Fortuné Gaétan Zongo, alertait dès 2024 sur la recrudescence d’enlèvements et de violences ciblées contre les opposants et les voix critiques.

Le député Sindayigaya, représentant de la minorité Batwa, est connu pour ses prises de position franches. Il n’exclut pas que cette agression soit liée à son engagement et appelle le président de la République à ordonner une enquête impartiale et transparente.

Deux récits s’opposent. Mais dans un climat de méfiance et d’impunité, l’affaire relance les inquiétudes sur l’usage des forces de sécurité à des fins politiques et sur la protection des élus et des citoyens, quel que soit leur statut.

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Photo : le député Jean Baptiste Sindayigaya qui a échappé à une tentative d’enlèvement dans la ville commerciale Bujumbura le 10 mai 2025, DR