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Double meurtre à Butaganzwa : un Imbonerakure arrêté, deux autres en fuite après le lynchage de deux femmes âgées

SOS Médias Burundi

Deux femmes âgées ont été lynchées à mort en pleine journée dans la commune de Butaganzwa, accusées à tort de sorcellerie. Trois jeunes présentés comme membres des Imbonerakure sont mis en cause. Ce drame relance les inquiétudes autour de l’impunité dont jouissent certains membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir.

Deux femmes âgées ont été violemment tuées vendredi dernier à Rugongo, dans la commune de Butaganzwa (province de Ruyigi, à l’est du Burundi), par trois jeunes hommes identifiés comme membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir, les Imbonerakure. L’un des agresseurs a été interpellé, tandis que les deux autres sont activement recherchés. Ce drame tragique remet en lumière les violences perpétrées en toute impunité par certains membres de cette ligue, pourtant régulièrement associés aux missions de sécurité locales aux côtés de la police et de l’armée.

Les victimes, Scholastique Citegetse, 68 ans, et Judith Gakobwa, 74 ans, ont été extraites de force de leur domicile par trois jeunes de leur propre colline : Patrice Ndoricimpa, Fabrice Ndayishimiye et Philbert Ndayizeye. Les suspects les ont conduites au centre de négoce de Masake, toujours à Rugongo, où elles ont été ligotées et rouées de coups à l’aide de gourdins, en plein jour et sous les yeux de plusieurs témoins. Les deux femmes étaient accusées, sans aucune preuve, de pratiquer la sorcellerie.

« C’était une scène horrible. Elles criaient, mais personne n’osait intervenir », confie un habitant de la localité, encore sous le choc.

Le chef adjoint de la colline Rugongo, Libert Niyonzima, a confirmé les faits, précisant que les corps des deux victimes ont été enterrés le lendemain, samedi 10 mai.

Ce même jour, Patrice Ndoricimpa a été arrêté. Ses deux présumés complices, Fabrice Ndayishimiye et Philbert Ndayizeye, ont quant à eux pris la fuite. L’administrateur communal de Butaganzwa, Rémy Ndarufatiye, a affirmé que la police est à leur poursuite : « Ils répondront de leurs actes devant la justice. De tels crimes ne peuvent rester impunis. »

Qui sont les Imbonerakure ?

Le terme Imbonerakure, qui signifie en kirundi « ceux qui voient loin », désigne les membres de la ligue des jeunes du CNDD-FDD, le parti au pouvoir au Burundi. Officiellement, ces jeunes sont présentés comme des militants œuvrant pour le développement communautaire et la sécurité de proximité.

Mais dans les faits, ils sont régulièrement accusés de graves violations des droits humains : actes de torture, disparitions forcées, agressions sexuelles et exécutions extrajudiciaires, souvent dans un contexte de répression politique.

Dans plusieurs régions, les Imbonerakure participent à des patrouilles nocturnes, surveillent les déplacements de la population et collaborent avec les forces de sécurité, notamment aux frontières. Cette militarisation de la jeunesse inquiète les défenseurs des droits humains, qui dénoncent une dérive sécuritaire où des civils armés agissent sans encadrement strict et avec un sentiment d’impunité.

Le double meurtre de Rugongo ravive le débat sur le rôle trouble joué par certains Imbonerakure dans les violences communautaires et les abus perpétrés dans les campagnes. De nombreux appels à une réaction ferme de la justice et des autorités se multiplient, dans l’espoir que la loi s’applique avec impartialité et que les responsables de tels actes rendent compte de leurs crimes.

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Photo : Un village en commune de Butaganzwa à l’est du Burundi où deux femmes âgées ont été lynchées à mort par des Imbonerakure © SOS Médias Burundi