Affaire Kenny Claude Nduwimana : la justice burundaise de nouveau sous les projecteurs

SOS Médias Burundi
La réouverture surprise du dossier du journaliste Kenny Claude Nduwimana, pourtant clos depuis des mois, relance les doutes sur l’indépendance de la justice burundaise. Détention prolongée, procédure contestée et critiques d’anciens responsables des droits humains : l’affaire jette une lumière crue sur un système judiciaire en crise.
L’affaire du journaliste Kenny Claude Nduwimana, détenu depuis octobre 2023, a ressurgi le 5 mai dernier après une décision inattendue de la Cour d’appel de Bujumbura de rouvrir son dossier. Une relance judiciaire qui intervient malgré l’expiration des délais légaux d’appel, alimentant une fois de plus les doutes sur l’indépendance du système judiciaire burundais.
Incarcéré à la prison centrale de Mpimba depuis plus d’un an, Kenny Claude Nduwimana ne cache plus sa frustration. Il dénonce ce qu’il considère comme une « manipulation judiciaire » et pointe du doigt une justice à géométrie variable.
« Quand les lois seront-elles enfin respectées ? Le Burundi se présente comme un État de droit, alors pourquoi les lois y sont-elles piétinées au lieu d’être appliquées ? », s’interroge-t-il dans un message adressé à SOS Médias Burundi.
Le journaliste poursuit, plus incisif encore : « Pourquoi, dans la ville de Bujumbura, les autorités chargées des affaires foncières défient-elles les décisions de justice, contrairement aux autres régions du pays ? Ce mépris des lois serait-il lié à la corruption ou à une méconnaissance des textes juridiques ? »
Citant Jean de La Fontaine, il résume sa perception du système : « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »
Pour rappel, Kenny Claude Nduwimana avait été condamné à huit mois de prison le 26 août 2024, après avoir passé dix mois en détention préventive. En décembre 2024, une attestation de non-appel avait été délivrée, indiquant que l’affaire était close et qu’il devait être libéré. Pourtant, le 21 janvier 2025, le ministère public a déposé un recours… bien après le délai légal de 90 jours.
La défense considère cet appel comme irrecevable et illégal. « Si la loi est universelle et que les Burundais sont égaux devant la loi, pourquoi suis-je en prison alors que mon co-accusé est libre ? », questionne Nduwimana, en référence à Médard Muhiza, ancien diplomate co-accusé dans la même affaire, mais jamais incarcéré.
Lors d’une audience surprise tenue récemment à la prison de Mpimba, seul un des avocats du journaliste était présent. Malgré les protestations de la défense sur de nombreuses irrégularités de procédure, la Cour a décidé de mettre l’affaire en délibéré.
Début 2025, l’ancien président de la Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH), Sixte Vigny Nimuraba, avait exprimé ses inquiétudes devant l’Assemblée nationale : « Il reste à Mpimba alors qu’il devrait être libre. Croyez-vous que cela ne va pas entraîner des conséquences pour le pays ? »
Peu de temps après, Nimuraba a quitté le pays, visé à son tour par des accusations de malversations, dans un climat de tensions accrues entre les institutions.
Poursuivi pour escroquerie et atteinte à l’honneur via les réseaux sociaux, Kenny Claude Nduwimana estime être ciblé pour avoir dénoncé des cas de spoliation de terrains publics. Il continue de clamer son innocence et en appelle à l’application de la loi : « Si la justice burundaise est vraiment indépendante, je dois être libéré. »
Au-delà du cas de Nduwimana, cette affaire relance les inquiétudes persistantes sur l’impartialité de la justice burundaise, et son instrumentalisation croissante dans un contexte où la liberté de la presse semble de plus en plus menacée.
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Photo : Kenny Claude Nduwimana, le journaliste burundais détenu en violation de la loi © SOS Médias Burundi

